mardi 4 juin 2013

Wikipedia et SIDA: quand l' "encyclopédie" en ligne valide les thèses lepénistes.

Vous êtes prof. A l'occasion d'un exposé, un élève vous dit qu'en France , un malade du SIDA, c'est un "sidaïque". Vous vous indignez, il vous répond que c'est dans le dictionnaire. Ne le soupçonnez pas d'avoir des parents intégristes ou encartés au FN, il ne ment pas, il l'a bien lu dans ce qui constitue désormais « le » dictionnaire de référence le plus utilisé : Wikipedia.

C'est au tout début de l'entrée SIDA Syndrome d'immunodéficience acquise, premier paragraphe , 4ème ligne . Cette entrée Wikipedia constitue le deuxième lien non-publicitaire lorsqu'on fait une recherche Google avec le mot SIDA. On imagine le nombre de lecteurs et lectrices.Comme en témoignent les captures d'écran ci-dessous, cet version de l'article est en ligne depuis au moins mars 2012



D'ailleurs si vous avez moins de vingt-cinq ans et que vous lisez notre article, à cause de cette entrée Wikipedia, vous êtes peut-être très surpris d'apprendre qu'il y a un problème avec le terme « sidaïque ». Vous n'étiez pas nés ou tous petits quand Jean Marie Le Pen inventa ce terme de sinistre mémoire lors de l'émission L'Heure de vérité, le 6 mai 1987, sur Antenne 2. «Le sidaïque, si vous voulez, j’emploie ce mot-là, c’est un néologisme, il n’est pas très beau mais je n’en connais pas d’autre, celui-là, il faut bien le dire, est contagieux par sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact. C’est une espèce de lépreux, si vous voulez», affirmait alors le président du Front national, qui souhaitait également enfermer les malades du sida dans des «sidatoriums» . La terminaison des deux néologismes sidaïque et sidatorium , était évidemment très ambigüe, renvoyant vraisemblablement à « judaïque » et  à "crématorium".( 1)

Naturellement, tous les modérateurs/modératrices de Wikipedia ne sont pas des jeunes gens de moins de vingt-cinq ans. Le seraient-ils d'ailleurs, et ignoreraient-ils le sens précis du terme « sidaïque », qu'ils ne pourraient pas invoquer cette ignorance : quand on prétend éditer une encyclopédie en ligne, on se renseigne.

Encore faut-il pour cela ne pas être totalement perméable aux thèses de l'extrême-droite, notamment parce qu'on estime qu'elles sont des opinions comme les autres qui ont droit de cité dans le monde merveilleux de la démocratie participative en ligne , où à la finale, tout le monde est un « gentil contributeur » virtuel, dont les agissements réels ne doivent jamais être discutés.

A lire l'ensemble de l'article SIDA, on va voir que les gentils contributeurs fascistes ont effectivement contribué, et pas seulement dans le premier paragraphe, réussissant à faire de cette entrée un nid de mensonges et de contre-vérités d'autant plus difficilement décelables qu'ils sont placés dans un texte comportant évidemment des généralités sur le virus, l'épidémie et les moyens de s'en protéger.

Parfois, pour mesurer l'avancée des théories anti-scientifiques et l'efficacité de leur propagation par les extrême-droites en France, un comparatif international n'est pas inutile : par exemple, en consultant la version anglaise de l'entrée SIDA/VIH, les «particularités » de la version française sautent aux yeux.

Dès sa huitième partie, un titre étrange retient l'attention : «  Contestation de la parenté entre VIH et SIDA ». Ce paragraphe intervient avant la partie « historique » qui détaille la découverte de l'épidémie et l'état des connaissances sur ses origines. Il renvoie immédiatement vers un article détaillé et spécifique nommé de la même manière. Un nouveau renvoi vers cet article est fait dans la partie 14, avec un titre encore plus étrange «  les dissidents ». Un dissident, dans le langage commun, c'est un opposant à un système totalitaire et dictatorial, et c'est aussi la manière dont se nomment eux-même les théoriciens d'extrême-droite, en général et notamment les négationnistes.

« Négationnisme » : ce mot qui n'apparaît nulle part dans ces deux paragraphes du texte français est justement celui qui est utilisé dans le texte anglais de Wikipedia pour traiter de ce que le texte français appelle « contestation » et « dissidence ». Cette partie du texte anglais est située tout à la fin de l'article et son titre entier est «  Denial , conspiracies , and misconceptions » : "Négation ou déni, théories de la conspirations et idées fausses". La différence est flagrante. Du côté anglais, un paragraphe en bas de page sur des phénomènes politiques qui n'ont rien à voir avec le débat scientifique sur le VIH et le SIDA. Du côté français, une présentation de ces mêmes phénomènes politiques comme une « contestation » au sein du débat scientifique global.

La même différence existe, concernant le fond de l'article consacré aux négationnistes du SIDA dans les deux versions de l'encyclopédie en ligne, qu'il s'agisse de leur résumé dans l'article SIDA ou de la version longue : en anglais, il est question de « petits groupes et d'individus », en français de « certaines personnes ou groupes »(2).

En français, dès la première ligne est fait mention du « virologue » Pete Duesberg, ce qui laisse penser que le négationnisme du SIDA est une contestation scientifique. En réalité, les théories de Duesberg n'ont rien de scientifique et tout de la rhétorique homophobe et réactionnaire, Duesberg a notamment attribué l'épidémie à l'usage du poppers. Les « théories » de Duesberg ont été définitivement démontées depuis le milieu des années 90, il a notamment été prouvé que sa méthode d'investigation consistait à écarter systématiquement tous les résultats n'allant pas dans son sens. Cela n'empêche pas qu'il bénéficie de deux entrées spécifiques dans le Wikipedia français,une sur son nom et l'autre intitulée « Hypothèse de Duesberg ».

Dans la version anglaise, les effets concrets des théories négationnistes dans le pays où elles ont été reprises par le pouvoir politique, l'Afrique du Sud sont exposées d'entrée : les scientifiques évaluent à 340 000 décès le résultat des politiques du président Thabo Medki qui cautionnait les délires des tenants de l'inexistence du lien entre HIV et SIDA. Dans la version française, nulle mention de ce désastre sanitaire et de ses conséquences meurtrières, bien au contraire, l'opération de propagande qui l'a justifié est qualifiée de « conférence contradictoire ».

La spécificité du Wikipedia français concernant le rapport à ces théories politiques saute donc aux yeux. En France, ces théories sont présentées comme des «  alternatives » au savoir scientifiquement établi sur l'épidémie.

Or si le terme « négationnisme » est bien approprié pour les qualifier, c'est bien parce qu'elles reposent exactement sur les mêmes fondamentaux que le négationnisme appliqué à l'histoire du génocide commis par les nazis sur la population juive : refus total de la démarche scientifique au prétexte que la science qualifiée d' « officielle » n'est qu'une « religion » parmi d'autres, théories conspirationnistes sur les intérêts « occultes » de l'ensemble des membres de la communauté scientifique, présentation des quelques scientifiques tenanciers de ces théories comme « preuve » irréfutable de leur sérieux. Le tout repose également sur l' inversion de la charge de la preuve : ce ne serait pas aux tenanciers de ces théories de prouver qu'elles sont vraies, mais à la communauté scientifique de prouver qu'elles sont fausses.
Mais évidemment, dès que la réalité se charge de démontrer l'absurdité des discours négationnistes, les négationnistes changent leurs fondamentaux : initialement, la plupart des négationnistes du SIDA brandissaient comme "preuve" de leurs théories le fait que les anti-rétroviraux étaient soit disant inefficaces et aggravaient l'état du système immunitaire. Lorsque les progrès scientifiques ont permis l'élaboration de traitements très efficaces, les négationnistes ont alors changé de braquet : le critère de l'efficacité des traitements n'avait plus aucune importance et ne prouvait plus rien.

Comment en est-on arrivé là dans la version française de Wikipedia ? C'est assez simple : ses animateurs ont simplement avalisé un rapport de forces quantitatif : lorsqu'on examine l'historique de la discussion de cet article, on remarque dès 2005, une arrivée en force des tenants des théories niant l'existence du SIDA. Ceux-ci tentent des modifications incessantes de l'article, et devant les quelques protestations réagissent en rafale et en noyant la discussion sous une pluie de références issues de leur littérature, exigeant des vérifications et des contre-argumentaires en permanence.

Finalement, la modération, au lieu de les exclure pour ce qu'ils sont objectivement, des faussaires et des militants politiques, décide de créer une entrée spécifique consacrée à leur thèse. Il ne s'agit pas comme dans la version anglaise, d'informer sur l'existence d'un courant anti-scientifique venu de l'extrême-droite , mais de laisser une place à ce qu'un modérateur appelle des «  théories alternatives ». 



Les charlatans ont gagné : en effet ils vont évidemment pouvoir utiliser cette entrée pour promouvoir leurs thèses, et Wikipedia avalise leur méthode d'inversion de la charge de la preuve. Ce sera à leurs contradicteurs éventuels de démontrer que leurs théories sont fausses, eux n'auront pas eu besoin de démontrer qu'elles sont vraies pour qu'elles soient qualifiées de « théories alternatives ».

Evidemment,  ce fonctionnement n'a absolument rien à voir avec celui d'une encyclopédie du « savoir » : dans le monde de Wikipedia, la connaissance se construit donc entre des individus réduits au statut faussement égalitaire de « contributeurs », qui,  sur n'importe quel sujet peuvent modifier les entrées du moment qu'ils sont un certain nombre à s'exprimer. Une minorité d'individus remettant en cause l'état du savoir construit scientifiquement peut donc faire ériger les pires balivernes en « théorie alternative ».

Tout ceci serait juste pitoyable si Wikipedia n'était pas aujourd'hui considéré comme la source de savoir référente de l'internet. Ceci aboutit à ce que chaque jour, un nombre important de personnes souhaitant se renseigner en toute bonne foi sur le SIDA, pense que les malades doivent être qualifiés du terme inventé par Jean Marie Le Pen et finissent leurs lectures en étant persuadés que le VIH n'existe peut-être pas, et qu'il n'est donc pas forcément utile de se protéger.

Ce n'est pas tout : lorsqu'on a avalisé le triomphe de l'irrationnel et du mensonge anti-scientifique propagé par l'extrême-droite, la porte est définitivement ouverte à leurs thèses. Nous avons recensé en complément d'autres points de l'article bourrés de contre-vérités allant dans leur sens.

Petit florilège non exhaustif

#« Suite à la synthèse de plusieurs études, il a été montré que l'usage du préservatif lors de chaque rapport et de manière correcte fait baisser le risque d'infection de 85 % »

Gros choc et énormes inquiétudes évidemment : ce que dit la phrase, c'est que le risque de contamination serait tout de même important même avec un préservatif utilisé correctement. Soit ce que prétendent notamment tous les propagandistes religieux, qui affirment que le préservatif peut « laisser passer le virus » et autres fadaises.

D'où sort ce chiffre ? D'études qui ont effectivement montré d'une part, que l'usage du préservatif ne protégeait que dans des conditions d'utilisation optimales : mais dans les faits , le préservatif est parfois mis après le début de la pénétration, non enfilé correctement, le bout n'est parfois pas pincé en le mettant. Parfois aussi le préservatif est trop petit ou trop grand, ce qui occasionne son déchirement ou son glissement ( explications dans cet article ). Ces facteurs expliquent le fait que des contaminations se produisent malgré le port du préservatif, mais contrairement à ce que dit Wikipedia, pas si le préservatif est « utilisé de manière correcte ».

En fait, le « gentil contributeur » a joué avec le résultats des études, en ne précisant pas leurs conditions, leurs objectifs et leurs limites : si ce chiffre de 80% en est sorti, c'est d'une part à cause des problèmes d'utilisation évoqués ci-dessus, mais aussi parce qu'il n'était pas possible de connaître exactement les pratiques à risque des différents groupes testés. Par exemple, parmi les personnes n'utilisant pas les préservatifs, certaines pouvaient avoir moins de rapports sexuels que les personnes en utilisant, ou privilégier des pratiques à risque moins élevé de contamination. De même, ces études observationnelles ne permettaient pas de connaître le taux de personnes déclarant utiliser un préservatif et l'utiliser correctement, mais qui en réalité étaient juste gênées de dire qu'elles ne l'utilisaient pas ou pas toujours, ou de manière incorrecte.

De plus ces études ont été réalisées dans un cadre bien précis : évaluer la nécessité de la promotion d'outils de protection et de soin complémentaires dans les campagnes de prévention. Par exemple, celle des outils de prophylaxie pré et post pratiques à risque,mais aussi celle de campagnes plus fréquentes et détaillées sur les modalités précises de l'usage correct du préservatif

A aucun moment, il ne s'agissait de remettre en cause l'efficacité de l'utilisation individuelle du préservatif et ce n'est pas ce que disent ces études qui rappellent qu'un préservatif bien utilisé protège totalement.

#«  Si l'abstinence protège évidemment à 100 % contre les transmissions par voie sexuelle, l'efficacité des campagnes d'informations prônant uniquement une abstinence sexuelle n'a pas été démontrée statistiquement dans les pays à hauts revenus où toutes les formes de prévention sont disponibles. Il n'est donc pas possible de savoir à quoi ont eu recours les personnes concernées par les études ».

Cette phrase se situe tout à la fin de la partie « prévention », une partie où le préservatif a été décrit comme « diminuant » seulement les risques d'infection individuelle...et voilà qu'en comparaison, Wikipedia nous propose l'abstinence comme « protection à 100% ».

C'est l'argument choc des réactionnaires et de l'extrême-droite : effectivement si l'on n'a pas de rapports sexuels, on ne peut pas être contaminé par le virus par voie sexuelle.

De même si l'on ne mange pas, l'on est sûr de ne pas être victime de la maladie de la vache folle, et si l'on ne prend pas l'avion, on ne risque pas d'avoir un accident d'avion.

Réactionnaires et religieux rétorqueront que de toute façon, prôner des règles comportementales telles que l'abstinence «  ne peut pas faire de mal » et n' « oblige personne ».

Mais dans le réel, les choses sont bien plus complexes l'abstinence n'est jamais prônée seule, elle s'accompagne de discours condamnant les « non-abstinents » et ses promoteurs poussent vers des choix politiques bien précis , qui ont réellement aggravé l'épidémie.

C'est la raison pour laquelle notre « gentil contributeur » emploie cette étrange tournure de phrase  concernant l'efficacité statistique des campagnes d'information prônant l'abstinence qui n'aurait pas été prouvée «  dans les pays à haut revenus »...laissant ainsi sous-entendre qu'elle aurait été prouvée ailleurs , et donc, logiquement, dans les « pays à bas revenus ».

Or, effectivement, à certains moments de l'épidémie, les campagnes de promotion de l'abstinence ont bien été les seules financées dans des pays « à bas revenu » .Cela a été le cas lorsque le gouvernement américain était républicain : au début des années 2000, en Ouganda, l'administration américaine double le financement des mouvements chrétiens conservateurs pour les campagnes sur l'abstinence et dans le même temps, le président ougandais stoppe la distribution de préservatifs à bas prix ou gratuits, sous la pression de ces mouvements. Le secrétaire général des Nations Unies à l'époque dénonce une catastrophe sanitaire pour le pays, qui avait justement connu un coup d'arrêt à la propagation de l'épidémie grâce à ces programmes de distribution.

La promotion de l'abstinence n'est jamais un moyen neutre, elle s'inscrit dans un corpus idéologique global, qui dénonce certaines pratiques sexuelles ( rapports homosexuels ou avant le mariage ) et culpabilise ceux qui enfreignent une règle morale. Ceci n'a rien à voir avec la prévention des risques , contrairement à ce que prétend Wikipedia en classant l'abstinence dans le chapitre prévention.

De plus, même dans des pays où les promoteurs de l'abstinence ne sont pas assez puissants pour imposer une norme aux autorités publiques, les dégâts faits par la simple propagande ne sont pas nuls : notamment à cause de l' « effet relapse » : c'est à dire le fait pour une personne qui s'est auto-imposée une norme ultra-contraignante de brusquement la transgresser en ayant du coup des comportements à risque sans aucune protection.

#Dans la partie intitulée « chez les toxicomanes », un paragraphe concerne les programmes d'échange de seringues : L'efficacité de ces mesures reste toutefois controversée : par exemple, certaines études34 ont montré qu'à Montréal, ceux qui participent aux programmes « seringues stérilisées » ont apparemment un taux de transmission plus élevé que ceux qui n'y participent pas. De plus, les associations de lutte contre la drogue reprochent à ces mesures de rendre la toxicomanie plus accessible et de ne pas assez insister sur les possibilités de désintoxication. Elles mettent en avant que résoudre le problème de drogue, résoudrait un des modes de transmission du sida.

Ce paragraphe est la conclusion d'une partie très orientée, d'abord dans son titre : dire toxicomanes et pas usag(e)res de drogue n'est pas innocent, car c'est essentialiser une pratique en catégorie sociale figée. De plus sont immédiatement présentées de manière équivalente un parti pris moral, celui de l'abstinence, et une démarche de prévention. D'ailleurs le « gentil rédacteur » a pris son parti : « la meilleure façon est bien évidemment d'éviter de consommer des drogues », injonction purement morale et de plus très extensive par rapport au sujet .En effet , la notion de « drogue » est extrêmement large , et toutes les substances et pratiques de consommation ne sont pas concernées par le risque de contamination au VIH. Une nouvelle fois, l'on n'est donc pas du tout dans la présentation des savoirs existants propres à une encyclopédie mais dans le parti pris idéologique.

Et ce parti-pris idéologique s'accompagne d'un mensonge flagrant doublé d'une présentation tronquée d'une réalité globale.

Chez les professionnels de la santé publique, l'efficacité des programmes d'échanges de seringue n'est plus « controversée» : aujourd'hui, les études réalisées sont suffisantes pour démontrer que ces programmes ont  probablement jugulé l'épidémie dans les pays où elles ont été mises en place de manière précoce, tandis que leur absence a causé des milliers de contaminations dans les pays qui ont refusé très longtemps ces programmes, comme la France.

Evidemment, cette efficacité des programmes n'est pas un « remède-miracle », une barrière sanitaire absolue en soi : les politiques de prévention des risques sont un faisceau de pratiques mises en place par les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs sociaux, pas une mesure unique. De plus, leur efficacité est évidemment impactée par l'environnement socio-économique et culturel du pays donné, par l'ensemble des stratégies politiques concernant les usagers et usagères. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les études visant à faire des comparatifs internationaux sur des pratiques ciblées comme l'échange de seringues sont difficiles à interpréter. Mais parler de « controverse » est un pur mensonge.

De même présenter l'étude réalisée à Montréal comme une preuve que les programmes d'échange de seringue peuvent augmenter le taux de contamination est une contre-vérité : on a effectivement constaté une progression plus forte de la contamination chez les personnes fréquentant un PES dans une étude , mais énormément de facteurs étaient en jeu, comme le détaillent des articles prenant en compte cette étude : elle intervenait dans une période de pic global des contaminations, et ce qu'a conclu l'étude, c'est que le programme d'échanges de seringues n'était pas suffisant dans ce contexte, sans doute parce que la seule accessibilité au matériel d'injection stérile n'était pas en soi le déterminant exclusif du non-partage des seringues. Pouvaient intervenir par exemple, les pratiques de partage du produit . Dans ce cadre, la contamination par contact avec des seringues, des cupules ou de l'eau de dilution contaminées peut constituer un mode de transmission indirecte du VIH (et du VHC) en dehors de toute notion de partage de seringues.

Interpréter le résultat de cette étude en une phrase déformant ses conclusions complexes et en déduire une remise en cause de l'efficacité des programmes d'échange de seringue est donc une pure manipulation.

Elle repose sur une méthode extrêmement efficace, utilisée d'ailleurs dans tout l'article : mettre les études en anglais et en lien, comme « preuve » de ce qu'on assène , en sachant bien que presque personne n'ira les lire en détail. Au delà, il est toujours très simple -et très malhonnête- de prendre en exemple les failles de telle ou telle politique de santé publique pour en affirmer l'inefficacité et prôner à la place des règles morales séduisantes par leur côté absolu : une politique de santé publique, c'est la confrontation avec le réel , avec tout ce que cela comporte d'imperfections, de ratés, de tâtonnements et de progression dans le temps. Une injonction morale, c'est abstrait et réconfortant. Mais les injonctions morales n'ont jamais stoppé les épidémies.

Notes

(1) Quelques mois plus tard, en septembre 1987, Jean Marie Le Pen fait d'ailleurs sa sortie restée tristement célèbre sur le "détail de l'Histoire" que constitueraient les chambres à gaz,  à l'époque les provocations néo-nazies ne sont pas rares dans son discours....

(2) Pour un exposé clair et détaillé des théories dont il est fait mention dans ce texte, des méthodes utilisées par leurs propagateurs et de leurs objectifs, un article excellent et synthétique, malheureusement en anglais disponible ici

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Note de la rédaction : cet article est destiné à informer sur la pénétration des thèses d'extrême-droite et réactionnaires sur Wikipedia. Il n'émane ni d'associations de lutte contre le VIH/Sida, ni de scientifiques, ni de professionnels de santé. En conséquence si vous cherchez des informations sur le VIH/SIDA, sur sa prévention , sur les traitements, ou sur la réduction des risques pour les usagers/usagères de drogues, nous vous invitons à consulter les sites de référence sur le sujet ou ceux des associations de lutte et de défense des concernéEs,  par exemple:

http://www.sida-info-service.org/
http://www.aides.org/ 
http://www.actupparis.org/

http://www.reductiondesrisques.fr/
http://www.asud.org/


Notes

(1) Quelques mois plus tard, en septembre 1987, Jean Marie Le Pen fait d'ailleurs sa sortie restée tristement célèbre sur le "détail de l'Histoire" que constitueraient les chambres à gaz,  à l'époque les provocations néo-nazies ne sont déjà pas rares dans son discours....

(2) Pour un exposé clair et détaillé des théories dont il est fait mention dans ce texte, des méthodes utilisées par leurs propagateurs et de leurs objectifs, un article excellent et synthétique, malheureusement en anglais disponible ici 

MISE A JOUR

Ce 4 juin, moins de deux heures après la publication de notre article, l'entrée SIDA a été modifiée, le terme "sidaïque" reste, mais son origine lepéniste est mentionnée

 On verra ce qu'il advient par la suite...Notons cependant que la version incriminée dans notre article est présente depuis plus d'un an , au minimum. Ci-dessous copie d'écran de la version de l'article au 28 mars 2012 ( nous ne sommes pas remontés plus loin pour le moment.)


2 commentaires:

  1. Votre article est intéressant, l'état de cet article Wikipedia étant informatif sur l'état de l'organisation de l'extrême-droite dans le monde francophone.

    Il est d'autant plus regrettable que vous fassiez un exposé erroné de l'administration de Wikipedia. Il n'y a pas sur Wikipedia de rôle de modérateurs/modératrices, la modération s'effectue a posteriori et est à la charge de l'ensemble de la communauté des contributeurs.

    Il n'y a que des administrateurs, élus pour remplir des fonctions techniques et non éditoriales. Ils sont au service de la communauté des contributeurs, ne faisant idéalement qu'appliquer ses décisions. Ils ne doivent pas agir en fonction de leur jugement sur le fond. Ce serait un abus de pouvoir. Cela les conduit sur certains articles à se plier à des rapports de force défavorables à la vérité, comme dans le cas de l'article sur le SIDA. Mais, il est du pouvoir de chaque internaute, en tant que simple contributeur, d'aller sur ces articles pour y lutter contre l'obscurantisme, argumenter, et ainsi modifier le rapport de forces. Votre mise à jour le montre. Il est dommage que vous n'ayez pas essayé d'engager ce combat ou inciter vos lecteurs à le faire.

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    1. Operation Poulpe8 juillet 2013 à 02:12

      Il y a évidemment des administrateurs avec des fonctions éditoriales, qui par exemple, lockent certains articles : on peut citer la page de Christine Boutin lockée pour éviter les commentaires des personnes en lutte contre l'homophobie ces derniers mois. Les « simples contributeurs » sont donc bien soumis à un contrôle qui évite par exemple, que soient insultées des personnalités comme Madame Boutin. Ce même contrôle pouvait être exercé pour respecter les malades du SIDA, insultés également avec ce terme « sidaïque ». Cela n'a pas été le cas. Et il y a donc bien une responsabilité des administrateurs/administratrices comme sur n'importe quel site internet, où l'éditeur choisit de publier ou pas les commentaires des contributeurs/contributrices, par exemple.

      Ensuite, si ces adminstrateurs/administratrices considèrent comme un « abus de pouvoir » le fait de censurer les négationnistes, les charlatans et les faussaires, et comme le fonctionnement normal d'une encyclopédie en ligne le fait de laisser publiés des mensonges meurtriers sur le SIDA, c'est leur problème. Mais tout le monde n'est pas censé partager cette vision du monde selon Wikipedia, cinq minutes pour le savoir scientifique, cinq minutes pour les mensonges négationnistes, tout le monde n'est pas obligé non plus de cautionner un projet qui considère les militantEs d'extrême-droite comme susceptibles de contribuer à l'élaboration d'une plate-forme encyclopédique.

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