Vous êtes prof. A
l'occasion d'un exposé, un élève vous dit qu'en France , un malade
du SIDA, c'est un "sidaïque". Vous vous indignez, il vous répond que
c'est dans le dictionnaire. Ne le soupçonnez pas d'avoir des parents
intégristes ou encartés au FN, il ne ment pas, il l'a bien lu dans
ce qui constitue désormais « le » dictionnaire de
référence le plus utilisé : Wikipedia.
C'est au tout début de
l'entrée SIDA Syndrome d'immunodéficience acquise,
premier paragraphe , 4ème ligne . Cette entrée Wikipedia constitue
le deuxième lien non-publicitaire lorsqu'on fait une recherche
Google avec le mot SIDA. On imagine le nombre de lecteurs et
lectrices.Comme en témoignent les captures d'écran ci-dessous, cet version de l'article est en ligne depuis au moins mars 2012
D'ailleurs si vous avez
moins de vingt-cinq ans et que vous lisez notre article, à cause de
cette entrée Wikipedia, vous êtes peut-être très surpris
d'apprendre qu'il y a un problème avec le terme « sidaïque ».
Vous n'étiez pas nés ou tous petits quand Jean Marie Le Pen inventa
ce terme de sinistre mémoire lors de l'émission L'Heure de
vérité, le 6 mai 1987, sur Antenne 2. «Le sidaïque, si
vous voulez, j’emploie ce mot-là, c’est un néologisme, il n’est
pas très beau mais je n’en connais pas d’autre, celui-là, il
faut bien le dire, est contagieux par sa transpiration, ses larmes,
sa salive, son contact. C’est une espèce de lépreux, si vous
voulez», affirmait alors le président du Front national, qui
souhaitait également enfermer les malades du sida dans des
«sidatoriums» . La terminaison des deux néologismes sidaïque et sidatorium , était évidemment très ambigüe, renvoyant vraisemblablement à
« judaïque » et à "crématorium".( 1)
Naturellement, tous les
modérateurs/modératrices de Wikipedia ne sont pas des jeunes gens
de moins de vingt-cinq ans. Le seraient-ils d'ailleurs, et
ignoreraient-ils le sens précis du terme « sidaïque »,
qu'ils ne pourraient pas invoquer cette ignorance : quand on
prétend éditer une encyclopédie en ligne, on se renseigne.
Encore faut-il pour cela
ne pas être totalement perméable aux thèses de l'extrême-droite,
notamment parce qu'on estime qu'elles sont des opinions comme les
autres qui ont droit de cité dans le monde merveilleux de la
démocratie participative en ligne , où à la finale, tout le monde
est un « gentil contributeur » virtuel, dont les
agissements réels ne doivent jamais être discutés.
A lire l'ensemble de
l'article SIDA, on va voir que les gentils contributeurs fascistes
ont effectivement contribué, et pas seulement dans le premier
paragraphe, réussissant à faire de cette entrée un nid de
mensonges et de contre-vérités d'autant plus difficilement
décelables qu'ils sont placés dans un texte comportant évidemment
des généralités sur le virus, l'épidémie et les moyens de s'en
protéger.
Parfois, pour mesurer
l'avancée des théories anti-scientifiques et l'efficacité de leur
propagation par les extrême-droites en France, un comparatif
international n'est pas inutile : par exemple, en consultant la
version anglaise de l'entrée SIDA/VIH, les «particularités »
de la version française sautent aux yeux.
Dès sa huitième partie,
un titre étrange retient l'attention : « Contestation de
la parenté entre VIH et SIDA ». Ce paragraphe intervient avant
la partie « historique » qui détaille la découverte de
l'épidémie et l'état des connaissances sur ses origines. Il
renvoie immédiatement vers un article détaillé et spécifique nommé de la même
manière. Un nouveau renvoi vers cet article est fait dans la partie
14, avec un titre encore plus étrange « les dissidents ».
Un dissident, dans le langage commun, c'est un opposant à un système
totalitaire et dictatorial, et c'est aussi la manière dont se
nomment eux-même les théoriciens d'extrême-droite, en général et
notamment les négationnistes.
« Négationnisme » :
ce mot qui n'apparaît nulle part dans ces deux paragraphes du texte
français est justement celui qui est utilisé dans le texte anglais
de Wikipedia pour traiter de ce que le texte français appelle
« contestation » et « dissidence ». Cette
partie du texte anglais est située tout à la fin de l'article et
son titre entier est « Denial , conspiracies , and
misconceptions » : "Négation ou déni, théories de la
conspirations et idées fausses". La différence est
flagrante. Du côté anglais, un paragraphe en bas de page sur des
phénomènes politiques qui n'ont rien à voir avec le débat
scientifique sur le VIH et le SIDA. Du côté français, une
présentation de ces mêmes phénomènes politiques comme une
« contestation » au sein du débat scientifique global.
La même différence
existe, concernant le fond de l'article consacré aux négationnistes
du SIDA dans les deux versions de l'encyclopédie en ligne, qu'il
s'agisse de leur résumé dans l'article SIDA ou de la version
longue : en anglais, il est question de « petits groupes
et d'individus », en français de « certaines personnes
ou groupes »(2).
En français, dès la
première ligne est fait mention du « virologue » Pete
Duesberg, ce qui laisse penser que le négationnisme du SIDA est une
contestation scientifique. En réalité, les théories de Duesberg
n'ont rien de scientifique et tout de la rhétorique homophobe et
réactionnaire, Duesberg a notamment attribué l'épidémie à
l'usage du poppers. Les « théories » de Duesberg ont été
définitivement démontées depuis le milieu des années 90, il a
notamment été prouvé que sa méthode d'investigation consistait à
écarter systématiquement tous les résultats n'allant pas dans son
sens. Cela n'empêche pas qu'il bénéficie de deux entrées
spécifiques dans le Wikipedia français,une sur son nom et l'autre
intitulée « Hypothèse de Duesberg ».
Dans la version anglaise,
les effets concrets des théories négationnistes dans le pays où
elles ont été reprises par le pouvoir politique, l'Afrique du Sud
sont exposées d'entrée : les scientifiques évaluent à 340
000 décès le résultat des politiques du président Thabo Medki qui
cautionnait les délires des tenants de l'inexistence du lien entre
HIV et SIDA. Dans la version française, nulle mention de ce désastre
sanitaire et de ses conséquences meurtrières, bien au contraire,
l'opération de propagande qui l'a justifié est qualifiée de
« conférence contradictoire ».
La spécificité du
Wikipedia français concernant le rapport à ces théories politiques
saute donc aux yeux. En France, ces théories sont présentées
comme des « alternatives » au savoir scientifiquement
établi sur l'épidémie.
Or si le terme
« négationnisme » est bien approprié pour les
qualifier, c'est bien parce qu'elles reposent exactement sur les
mêmes fondamentaux que le négationnisme appliqué à l'histoire du
génocide commis par les nazis sur la population juive : refus
total de la démarche scientifique au prétexte que la science
qualifiée d' « officielle » n'est qu'une
« religion » parmi d'autres, théories conspirationnistes
sur les intérêts « occultes » de l'ensemble des membres
de la communauté scientifique, présentation des quelques
scientifiques tenanciers de ces théories comme « preuve »
irréfutable de leur sérieux. Le tout repose également sur l'
inversion de la charge de la preuve : ce ne serait pas aux
tenanciers de ces théories de prouver qu'elles sont vraies, mais à
la communauté scientifique de prouver qu'elles sont fausses.
Mais évidemment, dès
que la réalité se charge de démontrer l'absurdité des discours
négationnistes, les négationnistes changent leurs fondamentaux :
initialement, la plupart des négationnistes du SIDA brandissaient comme "preuve" de leurs théories le fait que les anti-rétroviraux étaient soit disant inefficaces et
aggravaient l'état du système immunitaire. Lorsque les progrès
scientifiques ont permis l'élaboration de traitements très
efficaces, les négationnistes ont alors changé de braquet : le
critère de l'efficacité des traitements n'avait plus aucune importance et ne prouvait plus rien.
Comment en est-on arrivé
là dans la version française de Wikipedia ? C'est assez
simple : ses animateurs ont simplement avalisé un rapport de
forces quantitatif : lorsqu'on examine l'historique de la discussion de cet
article, on remarque dès 2005, une arrivée en force des tenants des
théories niant l'existence du SIDA. Ceux-ci tentent des
modifications incessantes de l'article, et devant les quelques
protestations réagissent en rafale et en noyant la discussion sous
une pluie de références issues de leur littérature, exigeant des
vérifications et des contre-argumentaires en permanence.
Finalement, la
modération, au lieu de les exclure pour ce qu'ils sont
objectivement, des faussaires et des militants politiques, décide de
créer une entrée spécifique consacrée à leur thèse. Il ne
s'agit pas comme dans la version anglaise, d'informer sur l'existence
d'un courant anti-scientifique venu de l'extrême-droite , mais de
laisser une place à ce qu'un modérateur appelle des «
théories alternatives ».
Les charlatans ont
gagné : en effet ils vont évidemment pouvoir utiliser cette
entrée pour promouvoir leurs thèses, et Wikipedia avalise leur
méthode d'inversion de la charge de la preuve. Ce sera à leurs
contradicteurs éventuels de démontrer que leurs théories sont
fausses, eux n'auront pas eu besoin de démontrer qu'elles sont
vraies pour qu'elles soient qualifiées de « théories
alternatives ».
Evidemment, ce
fonctionnement n'a absolument rien à voir avec celui d'une
encyclopédie du « savoir » : dans le monde de
Wikipedia, la connaissance se construit donc entre des individus
réduits au statut faussement égalitaire de « contributeurs »,
qui, sur n'importe quel sujet peuvent modifier les entrées du moment
qu'ils sont un certain nombre à s'exprimer. Une minorité
d'individus remettant en cause l'état du savoir construit
scientifiquement peut donc faire ériger les pires balivernes en
« théorie alternative ».
Tout ceci serait juste
pitoyable si Wikipedia n'était pas aujourd'hui considéré comme la
source de savoir référente de l'internet. Ceci aboutit à ce que
chaque jour, un nombre important de personnes souhaitant se
renseigner en toute bonne foi sur le SIDA, pense que les malades
doivent être qualifiés du terme inventé par Jean Marie Le Pen et
finissent leurs lectures en étant persuadés que le VIH n'existe
peut-être pas, et qu'il n'est donc pas forcément utile de se
protéger.
Ce n'est pas tout :
lorsqu'on a avalisé le triomphe de l'irrationnel et du mensonge
anti-scientifique propagé par l'extrême-droite, la porte est
définitivement ouverte à leurs thèses. Nous avons recensé en
complément d'autres points de l'article bourrés de contre-vérités
allant dans leur sens.
Petit florilège non
exhaustif
#« Suite à la
synthèse de plusieurs études, il a été montré que l'usage du
préservatif lors de chaque rapport et de manière correcte fait
baisser le risque d'infection de 85 % »
Gros choc et énormes
inquiétudes évidemment : ce que dit la phrase, c'est que le
risque de contamination serait tout de même important même avec un
préservatif utilisé correctement. Soit ce que prétendent notamment
tous les propagandistes religieux, qui affirment que le préservatif
peut « laisser passer le virus » et autres fadaises.
D'où sort ce chiffre ?
D'études qui ont effectivement montré d'une part, que l'usage du
préservatif ne protégeait que dans des conditions d'utilisation
optimales : mais dans les faits , le préservatif est parfois
mis après le début de la pénétration, non enfilé correctement,
le bout n'est parfois pas pincé en le mettant. Parfois aussi le
préservatif est trop petit ou trop grand, ce qui occasionne son
déchirement ou son glissement ( explications dans cet article ). Ces
facteurs expliquent le fait que des contaminations se produisent
malgré le port du préservatif, mais contrairement à ce que dit
Wikipedia, pas si le préservatif est « utilisé de manière
correcte ».
En fait, le « gentil
contributeur » a joué avec le résultats des études, en ne
précisant pas leurs conditions, leurs objectifs et leurs limites : si ce chiffre de 80% en est sorti, c'est d'une
part à cause des problèmes d'utilisation évoqués ci-dessus, mais
aussi parce qu'il n'était pas possible de connaître exactement les
pratiques à risque des différents groupes testés. Par exemple,
parmi les personnes n'utilisant pas les préservatifs, certaines
pouvaient avoir moins de rapports sexuels que les personnes en
utilisant, ou privilégier des pratiques à risque moins élevé de
contamination. De même, ces études
observationnelles ne permettaient pas de connaître le taux de
personnes déclarant utiliser un préservatif et l'utiliser
correctement, mais qui en réalité étaient juste gênées de dire
qu'elles ne l'utilisaient pas ou pas toujours, ou de manière
incorrecte.
De plus ces études ont
été réalisées dans un cadre bien précis : évaluer la
nécessité de la promotion d'outils de protection et de soin
complémentaires dans les campagnes de prévention. Par exemple,
celle des outils de prophylaxie pré et post pratiques à risque,mais aussi celle de campagnes plus fréquentes et détaillées sur les modalités précises de l'usage correct du préservatif
A aucun moment, il ne
s'agissait de remettre en cause l'efficacité de l'utilisation
individuelle du préservatif et ce n'est pas ce que disent ces
études qui rappellent qu'un préservatif bien utilisé protège
totalement.
#« Si
l'abstinence protège évidemment à 100 % contre les
transmissions par voie sexuelle, l'efficacité des campagnes
d'informations prônant uniquement une abstinence sexuelle n'a pas
été démontrée statistiquement dans les pays à hauts revenus où
toutes les formes de prévention sont disponibles. Il n'est donc pas
possible de savoir à quoi ont eu recours les personnes concernées
par les études ».
Cette phrase se situe
tout à la fin de la partie « prévention », une partie
où le préservatif a été décrit comme « diminuant »
seulement les risques d'infection individuelle...et voilà qu'en comparaison,
Wikipedia nous propose l'abstinence comme « protection à
100% ».
C'est l'argument choc des
réactionnaires et de l'extrême-droite : effectivement si l'on
n'a pas de rapports sexuels, on ne peut pas être contaminé par le
virus par voie sexuelle.
De même si l'on ne mange
pas, l'on est sûr de ne pas être victime de la maladie de la vache
folle, et si l'on ne prend pas l'avion, on ne risque pas d'avoir un
accident d'avion.
Réactionnaires et
religieux rétorqueront que de toute façon, prôner des règles
comportementales telles que l'abstinence « ne peut pas faire
de mal » et n' « oblige personne ».
Mais dans le réel, les
choses sont bien plus complexes l'abstinence n'est jamais prônée
seule, elle s'accompagne de discours condamnant les
« non-abstinents » et ses promoteurs poussent vers des
choix politiques bien précis , qui ont réellement aggravé
l'épidémie.
C'est la raison pour
laquelle notre « gentil contributeur » emploie cette
étrange tournure de phrase concernant l'efficacité
statistique des campagnes d'information prônant l'abstinence qui
n'aurait pas été prouvée « dans les pays à haut
revenus »...laissant ainsi sous-entendre qu'elle aurait été
prouvée ailleurs , et donc, logiquement, dans les « pays à
bas revenus ».
Or, effectivement, à
certains moments de l'épidémie, les campagnes de promotion de
l'abstinence ont bien été les seules financées dans des pays « à
bas revenu » .Cela a été le cas lorsque le gouvernement
américain était républicain : au début des années 2000, en Ouganda, l'administration américaine double le financement des
mouvements chrétiens conservateurs pour les campagnes sur
l'abstinence et dans le même temps, le président ougandais stoppe
la distribution de préservatifs à bas prix ou gratuits, sous la
pression de ces mouvements. Le secrétaire général des Nations Unies à l'époque dénonce une
catastrophe sanitaire pour le pays, qui avait justement connu un coup
d'arrêt à la propagation de l'épidémie grâce à ces programmes
de distribution.
La promotion de
l'abstinence n'est jamais un moyen neutre, elle s'inscrit dans un
corpus idéologique global, qui dénonce certaines pratiques
sexuelles ( rapports homosexuels ou avant le mariage ) et culpabilise
ceux qui enfreignent une règle morale. Ceci n'a rien à voir avec la
prévention des risques , contrairement à ce que prétend Wikipedia
en classant l'abstinence dans le chapitre prévention.
De plus, même dans des
pays où les promoteurs de l'abstinence ne sont pas assez puissants
pour imposer une norme aux autorités publiques, les dégâts faits
par la simple propagande ne sont pas nuls : notamment à cause
de l' « effet relapse » : c'est à dire le fait
pour une personne qui s'est auto-imposée une norme
ultra-contraignante de brusquement la transgresser en ayant du coup
des comportements à risque sans aucune protection.
#Dans la partie intitulée « chez
les toxicomanes », un paragraphe concerne les programmes
d'échange de seringues : L'efficacité de ces
mesures reste toutefois controversée : par exemple, certaines
études34
ont montré qu'à Montréal, ceux qui participent aux programmes
« seringues stérilisées » ont apparemment un taux de
transmission plus élevé que ceux qui n'y participent pas. De plus,
les associations de lutte contre la drogue reprochent à ces mesures
de rendre la toxicomanie plus accessible et de ne pas assez insister
sur les possibilités de désintoxication. Elles mettent en avant que
résoudre le problème de drogue, résoudrait un des modes de
transmission du sida.
Ce
paragraphe est la conclusion d'une partie très orientée, d'abord
dans son titre : dire toxicomanes et pas usag(e)res de drogue
n'est pas innocent, car c'est essentialiser une pratique en catégorie
sociale figée. De plus sont immédiatement présentées de manière
équivalente un parti pris moral, celui de l'abstinence, et une
démarche de prévention. D'ailleurs le « gentil rédacteur »
a pris son parti : « la meilleure façon est bien
évidemment d'éviter de consommer des drogues », injonction
purement morale et de plus très extensive par rapport au sujet .En
effet , la notion de « drogue » est extrêmement large ,
et toutes les substances et pratiques de consommation ne sont pas
concernées par le risque de contamination au VIH. Une nouvelle fois,
l'on n'est donc pas du tout dans la présentation des savoirs
existants propres à une encyclopédie mais dans le parti pris
idéologique.
Et ce
parti-pris idéologique s'accompagne d'un mensonge flagrant doublé
d'une présentation tronquée d'une réalité globale.
Chez
les professionnels de la santé publique, l'efficacité des
programmes d'échanges de seringue n'est plus « controversée» :
aujourd'hui, les études réalisées sont suffisantes pour démontrer
que ces programmes ont probablement jugulé l'épidémie dans
les pays où elles ont été mises en place de manière précoce,
tandis que leur absence a causé des milliers de contaminations dans
les pays qui ont refusé très longtemps ces programmes, comme la
France.
Evidemment,
cette efficacité des programmes n'est pas un « remède-miracle »,
une barrière sanitaire absolue en soi : les politiques de
prévention des risques sont un faisceau de pratiques mises en place
par les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs sociaux, pas une
mesure unique. De plus, leur efficacité est évidemment impactée
par l'environnement socio-économique et culturel du pays donné, par
l'ensemble des stratégies politiques concernant les usagers et
usagères. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les études
visant à faire des comparatifs internationaux sur des pratiques
ciblées comme l'échange de seringues sont difficiles à
interpréter. Mais parler de « controverse » est un pur
mensonge.
De
même présenter l'étude réalisée à Montréal comme une preuve
que les programmes d'échange de seringue peuvent augmenter le taux
de contamination est une contre-vérité : on a effectivement
constaté une progression plus forte de la contamination chez les
personnes fréquentant un PES dans une étude , mais énormément de
facteurs étaient en jeu, comme le détaillent des articles prenant en compte cette étude : elle intervenait dans une période
de pic global des contaminations, et ce qu'a conclu l'étude, c'est
que le programme d'échanges de seringues n'était pas suffisant dans
ce contexte, sans doute parce que la seule accessibilité au
matériel d'injection stérile n'était pas en soi le déterminant
exclusif du non-partage des seringues. Pouvaient intervenir par
exemple, les pratiques de partage du produit . Dans ce cadre, la
contamination par contact avec des seringues, des cupules ou de
l'eau de dilution contaminées peut constituer un mode de
transmission indirecte du VIH (et du VHC) en dehors de toute notion
de partage de seringues.
Interpréter le résultat
de cette étude en une phrase déformant ses conclusions complexes et
en déduire une remise en cause de l'efficacité des programmes
d'échange de seringue est donc une pure manipulation.
Elle repose sur une
méthode extrêmement efficace, utilisée d'ailleurs dans tout
l'article : mettre les études en anglais et en lien, comme
« preuve » de ce qu'on assène , en sachant bien que
presque personne n'ira les lire en détail. Au delà, il est toujours
très simple -et très malhonnête- de prendre en exemple les failles
de telle ou telle politique de santé publique pour en affirmer
l'inefficacité et prôner à la place des règles morales
séduisantes par leur côté absolu : une politique de santé
publique, c'est la confrontation avec le réel , avec tout ce que
cela comporte d'imperfections, de ratés, de tâtonnements et de
progression dans le temps. Une injonction morale, c'est abstrait et
réconfortant. Mais les injonctions morales n'ont jamais stoppé les
épidémies.
Notes
(1)
Quelques mois plus tard, en septembre 1987, Jean Marie Le Pen fait
d'ailleurs sa sortie restée tristement célèbre sur le "détail de
l'Histoire" que constitueraient les chambres à gaz, à l'époque les
provocations néo-nazies ne sont pas rares dans son discours....
(2)
Pour un exposé clair et détaillé des théories dont il est fait mention
dans ce texte, des méthodes utilisées par leurs propagateurs et de leurs
objectifs, un article excellent et synthétique, malheureusement en
anglais disponible ici
_______________________________________________________
Note de la rédaction :
cet article est destiné à informer sur la pénétration des thèses
d'extrême-droite et réactionnaires sur Wikipedia. Il n'émane ni
d'associations de lutte contre le VIH/Sida, ni de scientifiques, ni
de professionnels de santé. En conséquence si vous cherchez des
informations sur le VIH/SIDA, sur sa prévention , sur les traitements, ou sur la réduction des risques pour les usagers/usagères de drogues,
nous vous invitons à consulter les sites de référence sur le
sujet ou ceux des associations de lutte et de défense des concernéEs, par exemple:
http://www.sida-info-service.org/
http://www.aides.org/
http://www.actupparis.org/
http://www.reductiondesrisques.fr/
http://www.asud.org/
http://www.sida-info-service.org/
http://www.aides.org/
http://www.actupparis.org/
http://www.reductiondesrisques.fr/
http://www.asud.org/
Notes
(1) Quelques mois plus tard, en septembre 1987, Jean Marie Le Pen fait d'ailleurs sa sortie restée tristement célèbre sur le "détail de l'Histoire" que constitueraient les chambres à gaz, à l'époque les provocations néo-nazies ne sont déjà pas rares dans son discours....
(2) Pour un exposé clair et détaillé des théories dont il est fait mention dans ce texte, des méthodes utilisées par leurs propagateurs et de leurs objectifs, un article excellent et synthétique, malheureusement en anglais disponible ici
Ce 4 juin, moins de deux heures après la publication de notre article, l'entrée SIDA a été modifiée, le terme "sidaïque" reste, mais son origine lepéniste est mentionnée
On verra ce qu'il advient par la suite...Notons cependant que la version incriminée dans notre article est présente depuis plus d'un an , au minimum. Ci-dessous copie d'écran de la version de l'article au 28 mars 2012 ( nous ne sommes pas remontés plus loin pour le moment.)
MISE A JOUR
Ce 4 juin, moins de deux heures après la publication de notre article, l'entrée SIDA a été modifiée, le terme "sidaïque" reste, mais son origine lepéniste est mentionnée
On verra ce qu'il advient par la suite...Notons cependant que la version incriminée dans notre article est présente depuis plus d'un an , au minimum. Ci-dessous copie d'écran de la version de l'article au 28 mars 2012 ( nous ne sommes pas remontés plus loin pour le moment.)
Votre article est intéressant, l'état de cet article Wikipedia étant informatif sur l'état de l'organisation de l'extrême-droite dans le monde francophone.
RépondreSupprimerIl est d'autant plus regrettable que vous fassiez un exposé erroné de l'administration de Wikipedia. Il n'y a pas sur Wikipedia de rôle de modérateurs/modératrices, la modération s'effectue a posteriori et est à la charge de l'ensemble de la communauté des contributeurs.
Il n'y a que des administrateurs, élus pour remplir des fonctions techniques et non éditoriales. Ils sont au service de la communauté des contributeurs, ne faisant idéalement qu'appliquer ses décisions. Ils ne doivent pas agir en fonction de leur jugement sur le fond. Ce serait un abus de pouvoir. Cela les conduit sur certains articles à se plier à des rapports de force défavorables à la vérité, comme dans le cas de l'article sur le SIDA. Mais, il est du pouvoir de chaque internaute, en tant que simple contributeur, d'aller sur ces articles pour y lutter contre l'obscurantisme, argumenter, et ainsi modifier le rapport de forces. Votre mise à jour le montre. Il est dommage que vous n'ayez pas essayé d'engager ce combat ou inciter vos lecteurs à le faire.
Il y a évidemment des administrateurs avec des fonctions éditoriales, qui par exemple, lockent certains articles : on peut citer la page de Christine Boutin lockée pour éviter les commentaires des personnes en lutte contre l'homophobie ces derniers mois. Les « simples contributeurs » sont donc bien soumis à un contrôle qui évite par exemple, que soient insultées des personnalités comme Madame Boutin. Ce même contrôle pouvait être exercé pour respecter les malades du SIDA, insultés également avec ce terme « sidaïque ». Cela n'a pas été le cas. Et il y a donc bien une responsabilité des administrateurs/administratrices comme sur n'importe quel site internet, où l'éditeur choisit de publier ou pas les commentaires des contributeurs/contributrices, par exemple.
SupprimerEnsuite, si ces adminstrateurs/administratrices considèrent comme un « abus de pouvoir » le fait de censurer les négationnistes, les charlatans et les faussaires, et comme le fonctionnement normal d'une encyclopédie en ligne le fait de laisser publiés des mensonges meurtriers sur le SIDA, c'est leur problème. Mais tout le monde n'est pas censé partager cette vision du monde selon Wikipedia, cinq minutes pour le savoir scientifique, cinq minutes pour les mensonges négationnistes, tout le monde n'est pas obligé non plus de cautionner un projet qui considère les militantEs d'extrême-droite comme susceptibles de contribuer à l'élaboration d'une plate-forme encyclopédique.