samedi 6 juillet 2013

Nazi Rock à La Rochelle.

« Encore une fois : les mots ont l’intention qu’on souhaite leur donner. S’ils veulent trouver de l’antisémitisme dans cette pièce en sortant les propos de leur contexte, sans prendre en compte l’intégralité du texte, la façon de jouer et la mise en scène, ils trouveront de l’antisémitisme. Mais ils peuvent par les mêmes mécanismes trouver de l’anti-chinois, de l’anti-pauvre, de l’homophobie, de la misogynie et bien d’autres intentions nauséabondes. »
Extrait de la tribune publiée par les étudiants ayant monté « Une pièce sur le rôle de vos enfants dans la reprise économique mondiale » 


Le film l'Antisémite de Dieudonné repose tout entier sur une mise en abîme : Dieudonné se joue lui-même en train de tourner un film où il joue le rôle d'un antisémite fanatique.

L'antisémitisme s'y décline donc au premier et au second degré, et l'on peut parler d'art fasciste, dans la mesure où le rire nihiliste et mortifère y est plutôt bien mis en scène : dans le monde cauchemardesque du film, tout se vaut, chaque personnage se vautre dans la fange , s'adonne à des vices divers et variés, et n'exhale que la haine , le malaise et les faux semblants. Dieudonné ne s'y épargne pas lui-même, se jouant en alcoolique autoritaire et obsédé, qui interprète un autre antisémite obsédé. Dans ce cloaque où les Juifs sont incarnés par les caricatures classiques de la rhétorique antisémite , les bourreaux dont Faurisson, qui joue son propre rôle, et Ahmed Moualek qui incarne un conspirationniste assassin sont au fond absous de tout, puisqu'ils sont certes peu sympathiques , mais toujours plus que leurs victimes.

Sans nul doute, c'est ce type de « performance artistique » que les étudiants de la Rochelle avaient en tête avec leur metteuse en scène lorsqu'ils ont crée leur « oeuvre » intitulée « Une pièce sur le rôle de vos enfants dans la reprise économique mondiale » dont ils affirment aujourd'hui le haut niveau de l'humour « second degré » . Le scénario en est fort simple : une multinationale dirigée par l'héritière d'une dynastie juive achète aux parents la vie future de leurs enfants en échange d'une somme versée immédiatement.

Peut-être ces étudiants ont ils vu l'Antisémite, peut-être comme des dizaines de milliers d'autres jeunes gens de leur âge et de leur statut social, sont-ils des spectateurs hilares de Dieudonné, oscillant sans cesse entre le déni de leur antisémitisme et l'obsession anti-juive. Peut-être pas, car Dieudonné n'est que la synthèse la plus aboutie d'une culture à la fois politique et artistique qui s'est répandue comme une traînée de poudre ces dernières années. Celle du néo-fascisme triomphant, faite à la fois d'une incapacité totale à la critique et au combat contre le monde tel qu'il est et les véritables dominations qui le structurent et d'un renversement victimaire total, où l'ensemble des dominéEs devient le bouc émissaire haï et fantasmé , responsable de l'échec social des uns et des autres.

Incapacité totale à la critique du monde tel qu'il est : dans la pièce des étudiants de La Rochelle, il y a toutes sortes de dominés, des chômeurs, des salariés de la couche moyenne, des prostituées, des cadres moyens, tous décrits comme sales, imbéciles, veules, vulgaires, vénaux. Il n'y a que deux dominantEs au pouvoir absolu : la maître du monde juive et le mafieux italien, pour résumer , l'Oligarchie mondialiste et la société criminelle plus ou moins secrète. Pas de patrons ordinaires, pas de flics, pas de juges, une et une seule multinationale doublée d'une pègre caricaturale...et étrangère au pays dans lequel se déroule la pièce. …

A vrai dire les étudiantEs ont raison d'une certaine manière lorsqu'ils affirment pour se défendre que leur oligarque dévoreuse d'enfants aurait pu ne pas avoir un nom juif et que cela n'eut rien changé au message de la pièce : en effet, l'antisémitisme est une manière de voir le monde, une théorie mensongère destinée à masquer la domination de classe en substituant à la réalité de l'exploitation capitaliste de l'homme par l'homme, le fantasme d'une minuscule élite surpuissante corrompant un système économique et social sain par nature. Nos étudiants ne réalisent que l'énième personnalisation d'un mal fantasmé, qui transformerait le chouette monde capitaliste en cloaque infernal. Si la méchante Financière Juive n'existait pas , nous dit la pièce, alors le stagiaire serait titularisé, l'intellectuel rêveur serait reconnu à sa juste valeur par un poste à l'Université, et l'intermittent du spectacle aurait ses heures . Car ces trois personnages de la pièce sont les seuls ( avec le cuisinier nazi, nous y reviendrons plus tard) à être présentés sous un jour à peu près humain, avec lesquels on est invités à compatir un peu : pas étonnant, puisqu'il personnifient la catégorie sociale à laquelle appartiennent les auteurs de la pièce, ces « intellos précaires » qui furent autrefois la classe moyenne et qui aujourd'hui sont empêtrés dans la nostalgie réactionnaire du bon capitalisme de papa, celui qui assurait aux étudiants de la Rochelle un bon poste et un bon salaire.

C'est fini, alors la rancoeur de nos étudiants explose et se cherche des responsables, dans une imitation assez transparente du style célinien : les prolos, incultes, vicieux et puants qui pullulent dans leurs logis dégueulasses , la génération des parents de nos étudiants, incarnée par ce couple qui accepte de vendre son enfant aux Juifs pour se payer des vacances au soleil, allégorie transparente de l'argument mille fois rebattu par la droite et l'extrême-droite contre les prolétaires se battant pour leurs retraites et qui seraient coupables de faire peser la dette sur leurs enfants, les étrangers, comme cette Chinoise sans papiers qui n'est pas digne de la moindre solidarité puisqu'elle souhaite uniquement être riche et se faire sa place au soleil , au besoin sur le dos des prolos locaux.

Comme ce défilé de rancoeurs misanthropes est au fond assez laid et egoïste, et traduit surtout une incapacité à la moindre solidarité collective, seule capable d'engendrer un rapport de forces défavorable au capitalisme, nos étudiants en viennent forcément au délire antisémite, seul capable de travestir le conservatisme et la lâcheté en combat contre les puissants : pour faire passer le vomi qu'on vient de déverser sur les faibles, on invente un monstre ultime, l'Oligarque juive. Tiens au fait pourquoi une femme ? Tout simplement, parce que cela sert à introduire un petit discours rageur contre le féminisme, caricaturé en remplacement des élites par d'autres élites plus politiquement correctes, discours qu'on étend aux minorités en général , avec une pique contre les « présidents noirs ».

De même, les homosexuels et le mariage pour tous en prennent pour leur grade : lorsque la méchante financière juive parle de son activité de vente d'enfants, elle ne manque pas d'évoquer ( page trente) le client homo qui ne voulait que des petits enfants thaïlandais, dont l'un avec qui il se marierait ensuite. Le complot judéo-gay pour détruire la civilisation tant évoqué ces derniers mois se devait d'être évoqué.

Comme on le voit, toutes les cibles de l'extrême-droite sont donc présentes dans la pièce, toutes ses rhétoriques, mais c'est bien l'antisémitisme qui permet de les structurer dans un tout cohérent, et d'engendrer l'habituel discours d'inversion victimaire : «  Nous tapons sur les femmes, les immigrés, les pauvres qui puent, les étrangers mafieux qui viennent voler les enfants ( des Italiens ...ou des Roms ? ), les homosexuels qui veulent des enfants pour les consommer, mais nous ne sommes pas des dominants, contrairement aux apparences, nous sommes des étudiants rebelles car si nous dénonçons les faibles, c'est qu'en réalité, ils ne sont que des pions au service du puissant complot juif ».

Du Dieudonné ? En fait plutôt l'aboutissement du travail de propagande de la mouvance antisémite qui s'est structurée autour du soutien à son « humour ». Cette pièce, besogneuse, longue , redondante est finalement très convenue, et dégage une impression de conformisme absolu, tant le discours qu'elle véhicule, dans une forme très plate a été entendu et rabâché mille et mille fois ces dernières années. En ces temps où l'extrême-droite la plus virulente triomphe partout en Europe, où en France des Zemmour et des Taddei se chargent chaque semaine de faire la promotion des idées fascistes sur les télés capitalistes, où la rhétorique antisémite, raciste, sexiste , homophobe s'exprime en toute liberté, partout et tout le temps, il n'y a rien que de très banal, de très accepté socialement dans ce petit théâtre amateur, qui imite les grandes scènes à la mode....sans même la moindre trace d'auto-dérision, et donc sans le moindre « second degré », dont un néo-nazi plus original comme Dieudonné fait parfois preuve, ce qui lui vaut sa réputation d'humoriste de talent.

D'ailleurs la pièce a été montée dans le cadre de l'Université, et face aux quelques protestations qu'elle a suscité, l'ensemble de l'institution s'est solidarisée de « ses » étudiants, au nom de la « liberté d'expression ». Ceux qui sont montrés du doigt sont ceux qui dénoncent l'antisémitisme pas ceux qui le relaient, eux ont au contraire droit aux louanges de l'Université française.

C'est assez significatif d'ailleurs, dans le contexte actuel : depuis la fin des années 90, l'Université française n'est plus du tout ce lieu un peu plus libre que la société environnante, où notamment les luttes progressistes pouvaient s'exprimer. Pendant la lutte contre le CPE, puis pendant celle contre la LRU , la « fameuse » liberté d'expression a été battue en brèche pour les étudiants en lutte, traqués par la police jusque dans les campus. A chaque fois que des sans-papiers ont essayé d'occuper une université pour tenter d'y faire entendre leur parole, ils en ont été expulsés.
Alors que les cités U abritant les étudiants les plus précaires sont démolies et/ou restructurées pour être plus rentables, les autorités universitaires répriment sans trève les étudiants concernés qui résistent à la perte de leur logement.

Mais à côté de ça, nos étudiants rebelles de la Rochelle, sont eux couvés et protégés par les autorités, qui se donnent ainsi à bon compte, un air de tolérance envers la prétendue subversion de la jeunesse.

Pourtant ils sont vieux ces jeunes, comme le sont tous les fascistes, incapables de création artistique nouvelle, en revenant éternellement aux clichés millénaires de l'antisémitisme. En témoigne l'épisode des «  Juifs hassidiques » ( sic ) qui traquent le brave cuisinier nazi, puis vendent leur combat pour quelques billets. L'allusion au « Shoah business », dénoncé par Dieudonné et les siens est évidemment transparente, et justifie à elle seule les accusations d'antisémitisme.

Mais enfin, en quoi ces deux personnages étaient-ils nécessaires à la pièce , où ils arrivent comme un cheveu sur la soupe ? Il était pourtant facile d'introduire la thématique de la soit-disant instrumentalisation de la Shoah avec le personnage principal, celui de la financière juive.

On ne voit pas d'autre explication que le besoin qui anime tous les antisémites, d'exprimer leur délire hallucinatoire où toujours revient, à un moment où à un autre, la cible de la caricature nazie par excellence, avec sa barbe et ses papillotes, le «Juif Hassidique » effectivement, comme le dit expressément le script de la pièce. L'objet de toutes les humiliations , celui qu'on peut tenir par la barbe ( tu me tiens par la Shoah, je te tiens par l'ananas, chante Dieudonné dans une allusion transparente au jeu de la barbichette...). Ces deux Juifs font pièce rapportée dans le scénario, mais ils attestent de l'obsession de ses auteurs, qui n'auraient pas trouvé leur œuvre complète et suffisamment significative sans eux. ...même si dès le début de la pièce, la rhétorique antisémite est pourtant présente dans son paradoxe habituel : un des personnages faisant la morale à l'autre en lui rappelant qu'on n'a pas le droit de juxtaposer les mots « Juifs » et « riches » (p 5).

Et bien si, on a le droit de ressasser sans fin le vieux cliché du Juif comploteur , milliardaire et maître du monde: la preuve, « « Une pièce sur le rôle de vos enfants dans la reprise économique mondiale » a été faite et diffusée dans l'enceinte de l'Université applaudie par des spectateurs hilares, louée et défendue par l'administration et par une majorité des professeurs de la fac. Nos étudiants rebelles ne sont pas plus ostracisés ou persécutés qu'un Dieudonné qui prône paisiblement le négationnisme sur scène depuis des années. C'est à dire pas du tout.

Et l'antisémitisme est à ce point un conformisme installé et non discutable que toute réaction se voit taxée de « communautaire », parce qu'aujourd'hui, un bon Juif est un Juif qui ferme sa gueule devant les attaques antisémites, ce qui est d'ailleurs le cas pour toutes les minorités victimes de la même accusation dès qu'elles se défendent contre les attaques de l'extrême-droite, racistes, sexistes, ou homophobes.

Les spectacles de fin d'année sponsorisés par les institutions sont souvent des reprises fades de la culture dominante et de l'air du temps : la pièce jouée à la Rochelle n'est pas autre chose, et sa médiocrité banale en fait l'une des multiples kermesses brunes dans lesquelles communient politiciens et foules haineuses et dociles dans une France de nouveau tentée par le fascisme. 

Le livret intégral de la pièce se trouve ici: avec la boursouflure de l'égo qui caractérise aussi les gens tentés par le fascisme, les étudiantEs affirment que cette seule lecture ne saurait justifier la moindre argumentation contre la pièce , et que ne seraient autorisés à la critiquer que celles et ceux les ayant vus jouer sur scène. " "Les mots ont l'intention qu'ON souhaite leur donner" disent-ils. Mais non, les mots ont un sens, en soi, n'en déplaise aux adeptes du bon vieux rêve totalitaire de manipulation absolue du langage.  

vendredi 28 juin 2013

Les multiples visages de la Troisième Voie

"Rien de ce qui est en puissance ne passe en acte autrement que par quelque chose qui est déjà en acte." Aristote.

Après le meurtre de Clément Méric, l'étendue des liaisons de Serge Ayoub, qui fréquentaient son Local et venaient y donner des conférences a commencé à être évoquée, d'abord dans les médias antifascistes, puis un peu dans les médias capitalistes.

A cette occasion, Julien Landfried, candidat du PS aux législatives a du s'expliquer sur une conférence donnée au QG des collègues d'Esteban Morillo. Le candidat a expliqué qu'il était venu sans savoir où il allait, invité par une « organisation tout à fait respectable », le Cercle Aristote .
Les choses en sont restées là. Manifestement, personne n'a été intéressé par la nature exacte de ce fameux « Cercle Aristote », qui a effectivement tenu ses conférences pendant plusieurs années chez Serge Ayoub.

Pourtant les informations de première main sur ce Cercle Aristote pouvaient être obtenues assez facilement par la gauche et l'extrême-gauche : il suffisait de demander à Jacques Nikonoff, fondateur d'ATTAC président du M'PEP, signataire de l'appel à la manifestation antifasciste unitaire du dimanche 23 juin, qui y a donné une conférence le 5 juillet 2011, sur la « sortie de l'euro », tout comme Aurélien Bernier, autre membre du MPEP, en 2012. Conférence annoncée sur de nombreux sites d'extrême-droite, naturellement, vu le sujet.


Le MPEP appelle à la manifestation antifasciste et relaie une organisation amie de 3ème Voie

« Et alors ? , la conférence du Cercle Aristote en question ne se tenait pas chez Serge Ayoub », nous dira immédiatement le lecteur craignant l'amalgame.

A vrai dire, nous sommes férus d'amalgames. Nous pensons effectivement que personne n'organise de réunions chez Serge Ayoub par hasard, et qu'à partir de là le Cercle Aristote ne peut pas être une « organisation respectable ». Nous pensons aussi que personne ne peut aller au Cercle Aristote sans savoir de quoi il s'agit et avoir des intérêts politiques communs avec ses membres. Nous pensons donc que la simple présence du président du M'PEP à une de ces conférences aurait du amener son exclusion immédiate de l'appel unitaire antifasciste.

C'est sectaire et scandaleux ? Peut-être, mais en réfléchissant de la sorte, en tout cas, les autres signataires de l'appel unitaire auraient pu éviter l'ignominie que vient de leur infliger le M'PEP : quelques jours après avoir signé cet appel en hommage à Clément Méric, le M'PEP publie un article du Cercle des Volontaires, organisation d'extrême-droite qui diffuse la propagande des assassins du jeune antifasciste , le groupe 3ème Voie de Serge Ayoub.

Rien d'étonnant là dedans, rien d'imprévisible : en effet le M'PEP n'a pas « dérivé » brusquement, le M'PEP fait partie d'une mouvance qui regroupe des gens venus de droite et d'extrême-droite, et des gens de la gauche et de l'extrême-gauche. Le Cercle Aristote, auquel plusieurs membres du MPEP ont donné des conférences est une des émanations de cette mouvance. Or ce type de  regroupement est la définition même d'un mouvement fasciste. Et au cœur de cette mouvance, l'on va retrouver Jacques Nikonoff et Bernard Cassen, deux fondateurs d'ATTAC, l'association altermondialiste, qui dans les années 2000, a été le pivot du nouveau protectionnisme de gauche.


Le Cercle Aristote, un espace « transcourants » fondé par le Président des Amis d'Eric Zemmour

Le président du Cercle Aristote,Pierre Yves Rougeyron interrogé par Riposte Laïque dans un entretien de 2010, expliquait que son objectif est de « refaire un peu de lien social et d’unir des gens en dehors des anathèmes, des flics de la pensée et des tenanciers de fiche de police. ».

Au Cercle Aristote, se croisent en effet des invités venus d'univers militants très différents : aux côtés des hommes de gauche évoqués ci-dessus, des négationnistes du génocide rwandais, par exemple l'ancien ambassadeur Ndajigimana, Jacques Cheminade de la secte antisémite « Solidarité et Progrès », Jean Claude Martinez, ancien vice-président du FN, Michel Drac, fondateur d'Egalité et Réconciliation, et co-auteur d'un livre avec Serge Ayoub., Pierre Sidos de l'oeuvre Française.

Le président du Cercle Aristote Pierre Yves de Rougeyron vient de la droite : ancien jeune UMPIste, il a ensuite fréquenté Paul-Marie Couteaux, le souverainiste qui a rallié Marine Le Pen officiellement l'année dernière. Il est également président de l'Association des Amis d'Eric Zemmour. Le secrétaire général du Cercle Aristote, Romain Bessonnet, se présente, lui, comme venu du PCF et membre du MRC de Chevènement.

Une mouvance structurée autour d'une association pour la sortie de l'euro, 
revendication historique du FN

C'est d'ailleurs en s'intéressant aux activités de Romain Bessonet, que l'on réalise très vite que les liens entre le M'PEP, Jacques Nikonoff ,d'autres membres de la gauche souverainiste et nationaliste et le Cercle Aristote vont bien plus loin qu'une simple conférence. En fait ils se sont concrétisés dans une organisation commune, ouvertement « transcourants », partisane du nationalisme le plus échevelé : L'Association manifeste pour un débat sur le Libre Echange et la Sortie de l'Euro.

Romain Bessonnet y est notamment remercié par la rédaction du site de cette association pour une étude comparative sur les droits de douane chinois et européens ( et dans la liste des liens amis, l'on trouve le Cercle Aristote.)

L'association a été notamment fondée du côté gauche par Bernard Cassen ancien directeur du Monde Diplomatique et fondateur d'ATTAC,  mais aussi par certains conférenciers du Cercle Aristote comme Julien Landried, le membre du PS qui était allé au Local d'Ayoub, et Aurélien Bernier du MPEP. Parmi les fondateurs , on retrouve aussi deux intellectuels appréciés à la fois par les sites d'extrême-droite et de gauche nationaliste, Emmanuel Todd et Jacques Sapir.Mais également Aquilino Morelle, ancien membre de l'équipe de campagne d'Arnaud Montebourg et actuel conseiller de François Hollande.

Du côté droit, Hervé Juvin , dénonciateur du « changement de population » et du métissage, ( voir ici un entretien au site d'extrême-droite Enquête et Débat), également conférencier du Cercle Aristote. Mais aussi  Jean Luc Gréau , ancien expert du Medef, Hakim El Karaoui, ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin, Gerard Schaffhauser, qui pourfend le mariage pour tous dans les colonnes d'Atlantico, ou Gerard Lafay économiste qui participe à des tablesrondes sur les retraites avec Marine Le Pen ( voir la liste intégrale des fondateurs sur la capture d'écran ci-dessus ou directement sur le site ici.).

Le fond du discours de cette association reflète sa composition . Tout est bon dans le front, à condition qu'il soit national : protectionnisme , souverainisme, dénonciation du capitalisme financier et défense des petits patrons , conspirationnisme anti-européen et anti-mondialisation mais indulgence et même louanges envers divers chefs d'Etat réactionnaires et autoritaires. Quant à la « sortie de l'euro », c'est évidemment LE débat propice à l'extrême-droite, interclassiste et nationaliste, ne menaçant en rien les intérêts des patrons, mais permettant de faire passer la vulgate la plus chauvine pour une rébellion anticapitaliste

On trouvera donc sur le site de l'association aussi bien des textes du M'PEP que de l'UPR, groupe d'extrême-droite fondé par l'ancien directeur de cabinet de Pasqua, aussi bien des prises de position d'Attac que celles d'Aymeric Chauprade, acteur de l'extrême-droite identitaire, auteur récent d'une ode à Dominique Venner, avec qui il collaborait autour de La Nouvelle Revue d'Histoire.

Cassen ( Bernard) , les néo-nazis et les victoires contre BHL

On se souviendra à ce propos des récents cris de victoire de Bernard Cassen dans les colonnes du Monde Diplo, suite à son procès remporté contre BHL, qui l'avait confondu avec son homonyme Pierre Cassen de Riposte Laïque, et avait parlé de « fricotage » entre crânes rasés identitaires et l'ex-directeur du Monde Diplomatique.

Certes Bernard Henry Lévy , avec son habituelle absence de travail sérieux et de rigueur , caractéristique commune à la plupart des « plumes de presse », a confondu deux Cassen. Mais enfin, il se trouve que les deux viennent de la gauche, et que les deux fricotent effectivement avec des gens de la mouvance identitaire et néo-fasciste, même si Aymeric Chauprade, publié par l'association dont Cassen (Bernard) est fondateur n'a pas le crâne rasé.

D'ailleurs, en ce qui concerne le Bloc Identitaire, attaqué dans la tribune pour laquelle Cassen ( Bernard ) a porté plainte, on ne peut pas dire que Cassen ( Bernard ) lui voue une haine quelconque. La preuve, il n'a pas jugé utile de se démarquer dans son communiqué de victoire , de celle obtenue le même jour par le Bloc contre ce même BHL , pour la même tribune, et ce alors que certains articles de presse liaient évidemment les deux condamnations . N'importe quel militant de gauche sincère , et ce , quels que soient ses griefs contre Bernard Henri Levy serait pourtant gêné de la confusion , et de l'impression de front commun qu'elle donne ...Mais évidemment, comme ce front commun extrême-droite/extrême-gauche est clairement assumé par Bernard Cassen au sein de l'Association pour un Débat sur le libre-échange et la sortie de l'euro, il n'a aucune raison d'être gêné.

Troisième Voie et chemins de traverse vers le fascisme

Il y a donc bien une seule et même mouvance politique structurée autour de thèmes communs et à laquelle appartiennent à la fois des groupes et des personnalités de la gauche nationaliste, notamment le M'PEP, et une partie de la rédaction du Monde Diplomatique, également des groupes comme le comité Valmy et le PRCF et des groupes et intellectuels de l'ultra-droite et de l'extrême-droite, comme le Cercle Aristote, l'UPR, Nicolas Dupont-Aignant ou Serge Ayoub. Une mouvance politique se définit bien par des mots d'ordre communs, et des sphères politiques reliées entre elle par des militants communs.

Personne ne peut parler de liens fortuits ou de rencontres occasionnelles, quand ces groupes et personnalités se croisent au sein de structures fondées en commun  où les publications de personnalités liées aux néo-nazis voisinent avec celles des rédacteurs du Monde Diplo , où des conférences comme celles du Cercle Aristote accueillent les uns et les autres , quand les uns font la publicité des sites des autres, et inversement, quand Nikonoff appelle à voter Dupont Aignant, ou qu'Egalité et Réconciliation publie du Nikonoff, ou que le MPEP publie Le Cercle des Volontaires, en lien avec le groupe d'Ayoub.

Le pot commun des uns et des autres, c'est bien la 3ème Voie, ni, droite, ni gauche, Nation. Le pot commun des uns et des autres, c'est bien le conspirationnisme anti-mondialiste ( Pierre Hillard est publié aussi bien par 3ème Voie que par le site de l'association manifeste pour un débat sur le libre échange et également invité par le Cercle Aristote ), la rhétorique chauvine, souverainiste et ultra-nationaliste, la dénonciation de la tyrannie des minorités et celle, bien évidemment de l'antifascisme.

Cette mouvance politique se présente comme "anti-système", et ses membres venus de la gauche ont en général un argument récurrent quand on pointe leurs collusions avec l'extrême-droite.Celle-ci ne serait qu'un "épouvantail" et les antifascistes des "idiots utiles du système" qui se gardent bien de dénoncer les "vrais" détenteurs du pouvoir politique et économique : mais comme on l'a vu, en réalité, dans cette mouvance où l'ultra nationalisme est le trait d'union, les membres de la social-démocratie au pouvoir, comme des représentants du patronat cotoient les soit-disant "rebelles" d'extrême-droite et de la gauche altermondialiste.

Certes, au sein de ce conglomérat, la partie venue de la gauche et notamment ses personnalités qui ont le plus à perdre en respectabilité se garderont bien d'aller directement parader avec Serge Ayoub dans la rue. C'est la raison pour laquelle existent des structures passerelle aux noms moins connotés que «  3ème Voie », Cercle Aristote ou "Association manifeste pour un débat sur le bire échange et  la sortie de l'euro", c'est tout de même plus vague. De même côtoyer Hervé Juvin, ardent pourfendeur du métissage, peut toujours se justifier avec l'argument du brillant économiste, qui certes ne marche pas pour Serge Ayoub.

Mais les idées, les positionnements politiques sont bien les mêmes, déclinées selon le public auquel on s'adresse, avec des nuances de radicalité diverses et avec des pratiques variées C'est ce qui caractérise une mouvance. Dont aucun membre ne devrait en tout cas figurer sur un appel antifasciste.

jeudi 6 juin 2013

L'extrême-droite tue. Elle parle aussi.

Le 18 juin 1990, James Dindoyal était assassiné par plusieurs membres des JNR, le groupe de Serge Ayoub, à qui TF1 ce matin, donne du monsieur.

Un de ses assassins, Regis Kerhuel, faisait occasionnellement le SO du FN contre rénumération.

Le 18 avril 1995, Imad Bouhoud était noyé par d'autres boneheads, dont David Beaune qui collait souvent des affiches du FN au Havre.

Le 1er mai 1995, Brahim Bouarram était jeté dans la Seine , pendant le défilé du FN.

Ensuite, pendant des années, alors que le FN poursuivait son ascension, le discours a consisté à dire que les néo-nazis avaient disparu, que l'extrême-droite avait muté.

Serge Ayoub est revenu en France, on l'a vu dans les défilés FN, il a tranquillement ouvert un Local en plein Paris, au départ en partenariat avec Alain Soral. C'est lui qui a accueilli les premières grosses réunions de Riposte Laïque, assuré leur service d'ordre pendant certaines manifestations. En 2010-2011, les commentateurs assidus de Fdesouche organisaient souvent des réunions de rencontre dans ce même local.

Aujourd'hui, de nouveau, la terreur fasciste a frappé.Clément Méric a été battu à mort.  L'Etat se résoudra à dissoudre quelques groupes, à faire quelques descentes qui permettront l'arrestation de quelques nervis, dont chacun s'accordera à dire, que tout de même, il serait exagéré de les amalgamer avec le FN. Comme avec l'ensemble des personnalités qui ont des raisons respectables d'être racistes, antisémites, homophobes, sexistes et qui naturellement n'auraient aucun lien avec quelques marginaux néo-nazis et assassins.

Le 15 mai dernier au local de Serge Ayoub, se tenait une conférence sur les « médias et la pensée unique ». Son intervenant principal était Robert Ménard, candidat à Béziers soutenu par le FN.

Les crânes rasés boneheads n'ont jamais été que le bras armé des notables respectés, de la chair à canon qu'on sacrifie en cas de « pépin », puisqu'on pourra les remplacer en pourrissant les cerveaux
avec de la haine exprimée en toute légalité.



Le 12 mai dernier, toute l'extrême-droite néo-nazie défilait à Paris. Un appel était lancé pour demander l'interdiction des défilés, il rappelait notamment les meurtres commis par la même mouvance dans les années 90. Les autorités municipales et gouvernementales avaient choisi de laisser ces défilés se tenir

mardi 4 juin 2013

Wikipedia et SIDA: quand l' "encyclopédie" en ligne valide les thèses lepénistes.

Vous êtes prof. A l'occasion d'un exposé, un élève vous dit qu'en France , un malade du SIDA, c'est un "sidaïque". Vous vous indignez, il vous répond que c'est dans le dictionnaire. Ne le soupçonnez pas d'avoir des parents intégristes ou encartés au FN, il ne ment pas, il l'a bien lu dans ce qui constitue désormais « le » dictionnaire de référence le plus utilisé : Wikipedia.

C'est au tout début de l'entrée SIDA Syndrome d'immunodéficience acquise, premier paragraphe , 4ème ligne . Cette entrée Wikipedia constitue le deuxième lien non-publicitaire lorsqu'on fait une recherche Google avec le mot SIDA. On imagine le nombre de lecteurs et lectrices.Comme en témoignent les captures d'écran ci-dessous, cet version de l'article est en ligne depuis au moins mars 2012



D'ailleurs si vous avez moins de vingt-cinq ans et que vous lisez notre article, à cause de cette entrée Wikipedia, vous êtes peut-être très surpris d'apprendre qu'il y a un problème avec le terme « sidaïque ». Vous n'étiez pas nés ou tous petits quand Jean Marie Le Pen inventa ce terme de sinistre mémoire lors de l'émission L'Heure de vérité, le 6 mai 1987, sur Antenne 2. «Le sidaïque, si vous voulez, j’emploie ce mot-là, c’est un néologisme, il n’est pas très beau mais je n’en connais pas d’autre, celui-là, il faut bien le dire, est contagieux par sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact. C’est une espèce de lépreux, si vous voulez», affirmait alors le président du Front national, qui souhaitait également enfermer les malades du sida dans des «sidatoriums» . La terminaison des deux néologismes sidaïque et sidatorium , était évidemment très ambigüe, renvoyant vraisemblablement à « judaïque » et  à "crématorium".( 1)

Naturellement, tous les modérateurs/modératrices de Wikipedia ne sont pas des jeunes gens de moins de vingt-cinq ans. Le seraient-ils d'ailleurs, et ignoreraient-ils le sens précis du terme « sidaïque », qu'ils ne pourraient pas invoquer cette ignorance : quand on prétend éditer une encyclopédie en ligne, on se renseigne.

Encore faut-il pour cela ne pas être totalement perméable aux thèses de l'extrême-droite, notamment parce qu'on estime qu'elles sont des opinions comme les autres qui ont droit de cité dans le monde merveilleux de la démocratie participative en ligne , où à la finale, tout le monde est un « gentil contributeur » virtuel, dont les agissements réels ne doivent jamais être discutés.

A lire l'ensemble de l'article SIDA, on va voir que les gentils contributeurs fascistes ont effectivement contribué, et pas seulement dans le premier paragraphe, réussissant à faire de cette entrée un nid de mensonges et de contre-vérités d'autant plus difficilement décelables qu'ils sont placés dans un texte comportant évidemment des généralités sur le virus, l'épidémie et les moyens de s'en protéger.

Parfois, pour mesurer l'avancée des théories anti-scientifiques et l'efficacité de leur propagation par les extrême-droites en France, un comparatif international n'est pas inutile : par exemple, en consultant la version anglaise de l'entrée SIDA/VIH, les «particularités » de la version française sautent aux yeux.

Dès sa huitième partie, un titre étrange retient l'attention : «  Contestation de la parenté entre VIH et SIDA ». Ce paragraphe intervient avant la partie « historique » qui détaille la découverte de l'épidémie et l'état des connaissances sur ses origines. Il renvoie immédiatement vers un article détaillé et spécifique nommé de la même manière. Un nouveau renvoi vers cet article est fait dans la partie 14, avec un titre encore plus étrange «  les dissidents ». Un dissident, dans le langage commun, c'est un opposant à un système totalitaire et dictatorial, et c'est aussi la manière dont se nomment eux-même les théoriciens d'extrême-droite, en général et notamment les négationnistes.

« Négationnisme » : ce mot qui n'apparaît nulle part dans ces deux paragraphes du texte français est justement celui qui est utilisé dans le texte anglais de Wikipedia pour traiter de ce que le texte français appelle « contestation » et « dissidence ». Cette partie du texte anglais est située tout à la fin de l'article et son titre entier est «  Denial , conspiracies , and misconceptions » : "Négation ou déni, théories de la conspirations et idées fausses". La différence est flagrante. Du côté anglais, un paragraphe en bas de page sur des phénomènes politiques qui n'ont rien à voir avec le débat scientifique sur le VIH et le SIDA. Du côté français, une présentation de ces mêmes phénomènes politiques comme une « contestation » au sein du débat scientifique global.

La même différence existe, concernant le fond de l'article consacré aux négationnistes du SIDA dans les deux versions de l'encyclopédie en ligne, qu'il s'agisse de leur résumé dans l'article SIDA ou de la version longue : en anglais, il est question de « petits groupes et d'individus », en français de « certaines personnes ou groupes »(2).

En français, dès la première ligne est fait mention du « virologue » Pete Duesberg, ce qui laisse penser que le négationnisme du SIDA est une contestation scientifique. En réalité, les théories de Duesberg n'ont rien de scientifique et tout de la rhétorique homophobe et réactionnaire, Duesberg a notamment attribué l'épidémie à l'usage du poppers. Les « théories » de Duesberg ont été définitivement démontées depuis le milieu des années 90, il a notamment été prouvé que sa méthode d'investigation consistait à écarter systématiquement tous les résultats n'allant pas dans son sens. Cela n'empêche pas qu'il bénéficie de deux entrées spécifiques dans le Wikipedia français,une sur son nom et l'autre intitulée « Hypothèse de Duesberg ».

Dans la version anglaise, les effets concrets des théories négationnistes dans le pays où elles ont été reprises par le pouvoir politique, l'Afrique du Sud sont exposées d'entrée : les scientifiques évaluent à 340 000 décès le résultat des politiques du président Thabo Medki qui cautionnait les délires des tenants de l'inexistence du lien entre HIV et SIDA. Dans la version française, nulle mention de ce désastre sanitaire et de ses conséquences meurtrières, bien au contraire, l'opération de propagande qui l'a justifié est qualifiée de « conférence contradictoire ».

La spécificité du Wikipedia français concernant le rapport à ces théories politiques saute donc aux yeux. En France, ces théories sont présentées comme des «  alternatives » au savoir scientifiquement établi sur l'épidémie.

Or si le terme « négationnisme » est bien approprié pour les qualifier, c'est bien parce qu'elles reposent exactement sur les mêmes fondamentaux que le négationnisme appliqué à l'histoire du génocide commis par les nazis sur la population juive : refus total de la démarche scientifique au prétexte que la science qualifiée d' « officielle » n'est qu'une « religion » parmi d'autres, théories conspirationnistes sur les intérêts « occultes » de l'ensemble des membres de la communauté scientifique, présentation des quelques scientifiques tenanciers de ces théories comme « preuve » irréfutable de leur sérieux. Le tout repose également sur l' inversion de la charge de la preuve : ce ne serait pas aux tenanciers de ces théories de prouver qu'elles sont vraies, mais à la communauté scientifique de prouver qu'elles sont fausses.
Mais évidemment, dès que la réalité se charge de démontrer l'absurdité des discours négationnistes, les négationnistes changent leurs fondamentaux : initialement, la plupart des négationnistes du SIDA brandissaient comme "preuve" de leurs théories le fait que les anti-rétroviraux étaient soit disant inefficaces et aggravaient l'état du système immunitaire. Lorsque les progrès scientifiques ont permis l'élaboration de traitements très efficaces, les négationnistes ont alors changé de braquet : le critère de l'efficacité des traitements n'avait plus aucune importance et ne prouvait plus rien.

Comment en est-on arrivé là dans la version française de Wikipedia ? C'est assez simple : ses animateurs ont simplement avalisé un rapport de forces quantitatif : lorsqu'on examine l'historique de la discussion de cet article, on remarque dès 2005, une arrivée en force des tenants des théories niant l'existence du SIDA. Ceux-ci tentent des modifications incessantes de l'article, et devant les quelques protestations réagissent en rafale et en noyant la discussion sous une pluie de références issues de leur littérature, exigeant des vérifications et des contre-argumentaires en permanence.

Finalement, la modération, au lieu de les exclure pour ce qu'ils sont objectivement, des faussaires et des militants politiques, décide de créer une entrée spécifique consacrée à leur thèse. Il ne s'agit pas comme dans la version anglaise, d'informer sur l'existence d'un courant anti-scientifique venu de l'extrême-droite , mais de laisser une place à ce qu'un modérateur appelle des «  théories alternatives ». 



Les charlatans ont gagné : en effet ils vont évidemment pouvoir utiliser cette entrée pour promouvoir leurs thèses, et Wikipedia avalise leur méthode d'inversion de la charge de la preuve. Ce sera à leurs contradicteurs éventuels de démontrer que leurs théories sont fausses, eux n'auront pas eu besoin de démontrer qu'elles sont vraies pour qu'elles soient qualifiées de « théories alternatives ».

Evidemment,  ce fonctionnement n'a absolument rien à voir avec celui d'une encyclopédie du « savoir » : dans le monde de Wikipedia, la connaissance se construit donc entre des individus réduits au statut faussement égalitaire de « contributeurs », qui,  sur n'importe quel sujet peuvent modifier les entrées du moment qu'ils sont un certain nombre à s'exprimer. Une minorité d'individus remettant en cause l'état du savoir construit scientifiquement peut donc faire ériger les pires balivernes en « théorie alternative ».

Tout ceci serait juste pitoyable si Wikipedia n'était pas aujourd'hui considéré comme la source de savoir référente de l'internet. Ceci aboutit à ce que chaque jour, un nombre important de personnes souhaitant se renseigner en toute bonne foi sur le SIDA, pense que les malades doivent être qualifiés du terme inventé par Jean Marie Le Pen et finissent leurs lectures en étant persuadés que le VIH n'existe peut-être pas, et qu'il n'est donc pas forcément utile de se protéger.

Ce n'est pas tout : lorsqu'on a avalisé le triomphe de l'irrationnel et du mensonge anti-scientifique propagé par l'extrême-droite, la porte est définitivement ouverte à leurs thèses. Nous avons recensé en complément d'autres points de l'article bourrés de contre-vérités allant dans leur sens.

Petit florilège non exhaustif

#« Suite à la synthèse de plusieurs études, il a été montré que l'usage du préservatif lors de chaque rapport et de manière correcte fait baisser le risque d'infection de 85 % »

Gros choc et énormes inquiétudes évidemment : ce que dit la phrase, c'est que le risque de contamination serait tout de même important même avec un préservatif utilisé correctement. Soit ce que prétendent notamment tous les propagandistes religieux, qui affirment que le préservatif peut « laisser passer le virus » et autres fadaises.

D'où sort ce chiffre ? D'études qui ont effectivement montré d'une part, que l'usage du préservatif ne protégeait que dans des conditions d'utilisation optimales : mais dans les faits , le préservatif est parfois mis après le début de la pénétration, non enfilé correctement, le bout n'est parfois pas pincé en le mettant. Parfois aussi le préservatif est trop petit ou trop grand, ce qui occasionne son déchirement ou son glissement ( explications dans cet article ). Ces facteurs expliquent le fait que des contaminations se produisent malgré le port du préservatif, mais contrairement à ce que dit Wikipedia, pas si le préservatif est « utilisé de manière correcte ».

En fait, le « gentil contributeur » a joué avec le résultats des études, en ne précisant pas leurs conditions, leurs objectifs et leurs limites : si ce chiffre de 80% en est sorti, c'est d'une part à cause des problèmes d'utilisation évoqués ci-dessus, mais aussi parce qu'il n'était pas possible de connaître exactement les pratiques à risque des différents groupes testés. Par exemple, parmi les personnes n'utilisant pas les préservatifs, certaines pouvaient avoir moins de rapports sexuels que les personnes en utilisant, ou privilégier des pratiques à risque moins élevé de contamination. De même, ces études observationnelles ne permettaient pas de connaître le taux de personnes déclarant utiliser un préservatif et l'utiliser correctement, mais qui en réalité étaient juste gênées de dire qu'elles ne l'utilisaient pas ou pas toujours, ou de manière incorrecte.

De plus ces études ont été réalisées dans un cadre bien précis : évaluer la nécessité de la promotion d'outils de protection et de soin complémentaires dans les campagnes de prévention. Par exemple, celle des outils de prophylaxie pré et post pratiques à risque,mais aussi celle de campagnes plus fréquentes et détaillées sur les modalités précises de l'usage correct du préservatif

A aucun moment, il ne s'agissait de remettre en cause l'efficacité de l'utilisation individuelle du préservatif et ce n'est pas ce que disent ces études qui rappellent qu'un préservatif bien utilisé protège totalement.

#«  Si l'abstinence protège évidemment à 100 % contre les transmissions par voie sexuelle, l'efficacité des campagnes d'informations prônant uniquement une abstinence sexuelle n'a pas été démontrée statistiquement dans les pays à hauts revenus où toutes les formes de prévention sont disponibles. Il n'est donc pas possible de savoir à quoi ont eu recours les personnes concernées par les études ».

Cette phrase se situe tout à la fin de la partie « prévention », une partie où le préservatif a été décrit comme « diminuant » seulement les risques d'infection individuelle...et voilà qu'en comparaison, Wikipedia nous propose l'abstinence comme « protection à 100% ».

C'est l'argument choc des réactionnaires et de l'extrême-droite : effectivement si l'on n'a pas de rapports sexuels, on ne peut pas être contaminé par le virus par voie sexuelle.

De même si l'on ne mange pas, l'on est sûr de ne pas être victime de la maladie de la vache folle, et si l'on ne prend pas l'avion, on ne risque pas d'avoir un accident d'avion.

Réactionnaires et religieux rétorqueront que de toute façon, prôner des règles comportementales telles que l'abstinence «  ne peut pas faire de mal » et n' « oblige personne ».

Mais dans le réel, les choses sont bien plus complexes l'abstinence n'est jamais prônée seule, elle s'accompagne de discours condamnant les « non-abstinents » et ses promoteurs poussent vers des choix politiques bien précis , qui ont réellement aggravé l'épidémie.

C'est la raison pour laquelle notre « gentil contributeur » emploie cette étrange tournure de phrase  concernant l'efficacité statistique des campagnes d'information prônant l'abstinence qui n'aurait pas été prouvée «  dans les pays à haut revenus »...laissant ainsi sous-entendre qu'elle aurait été prouvée ailleurs , et donc, logiquement, dans les « pays à bas revenus ».

Or, effectivement, à certains moments de l'épidémie, les campagnes de promotion de l'abstinence ont bien été les seules financées dans des pays « à bas revenu » .Cela a été le cas lorsque le gouvernement américain était républicain : au début des années 2000, en Ouganda, l'administration américaine double le financement des mouvements chrétiens conservateurs pour les campagnes sur l'abstinence et dans le même temps, le président ougandais stoppe la distribution de préservatifs à bas prix ou gratuits, sous la pression de ces mouvements. Le secrétaire général des Nations Unies à l'époque dénonce une catastrophe sanitaire pour le pays, qui avait justement connu un coup d'arrêt à la propagation de l'épidémie grâce à ces programmes de distribution.

La promotion de l'abstinence n'est jamais un moyen neutre, elle s'inscrit dans un corpus idéologique global, qui dénonce certaines pratiques sexuelles ( rapports homosexuels ou avant le mariage ) et culpabilise ceux qui enfreignent une règle morale. Ceci n'a rien à voir avec la prévention des risques , contrairement à ce que prétend Wikipedia en classant l'abstinence dans le chapitre prévention.

De plus, même dans des pays où les promoteurs de l'abstinence ne sont pas assez puissants pour imposer une norme aux autorités publiques, les dégâts faits par la simple propagande ne sont pas nuls : notamment à cause de l' « effet relapse » : c'est à dire le fait pour une personne qui s'est auto-imposée une norme ultra-contraignante de brusquement la transgresser en ayant du coup des comportements à risque sans aucune protection.

#Dans la partie intitulée « chez les toxicomanes », un paragraphe concerne les programmes d'échange de seringues : L'efficacité de ces mesures reste toutefois controversée : par exemple, certaines études34 ont montré qu'à Montréal, ceux qui participent aux programmes « seringues stérilisées » ont apparemment un taux de transmission plus élevé que ceux qui n'y participent pas. De plus, les associations de lutte contre la drogue reprochent à ces mesures de rendre la toxicomanie plus accessible et de ne pas assez insister sur les possibilités de désintoxication. Elles mettent en avant que résoudre le problème de drogue, résoudrait un des modes de transmission du sida.

Ce paragraphe est la conclusion d'une partie très orientée, d'abord dans son titre : dire toxicomanes et pas usag(e)res de drogue n'est pas innocent, car c'est essentialiser une pratique en catégorie sociale figée. De plus sont immédiatement présentées de manière équivalente un parti pris moral, celui de l'abstinence, et une démarche de prévention. D'ailleurs le « gentil rédacteur » a pris son parti : « la meilleure façon est bien évidemment d'éviter de consommer des drogues », injonction purement morale et de plus très extensive par rapport au sujet .En effet , la notion de « drogue » est extrêmement large , et toutes les substances et pratiques de consommation ne sont pas concernées par le risque de contamination au VIH. Une nouvelle fois, l'on n'est donc pas du tout dans la présentation des savoirs existants propres à une encyclopédie mais dans le parti pris idéologique.

Et ce parti-pris idéologique s'accompagne d'un mensonge flagrant doublé d'une présentation tronquée d'une réalité globale.

Chez les professionnels de la santé publique, l'efficacité des programmes d'échanges de seringue n'est plus « controversée» : aujourd'hui, les études réalisées sont suffisantes pour démontrer que ces programmes ont  probablement jugulé l'épidémie dans les pays où elles ont été mises en place de manière précoce, tandis que leur absence a causé des milliers de contaminations dans les pays qui ont refusé très longtemps ces programmes, comme la France.

Evidemment, cette efficacité des programmes n'est pas un « remède-miracle », une barrière sanitaire absolue en soi : les politiques de prévention des risques sont un faisceau de pratiques mises en place par les pouvoirs publics et l'ensemble des acteurs sociaux, pas une mesure unique. De plus, leur efficacité est évidemment impactée par l'environnement socio-économique et culturel du pays donné, par l'ensemble des stratégies politiques concernant les usagers et usagères. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les études visant à faire des comparatifs internationaux sur des pratiques ciblées comme l'échange de seringues sont difficiles à interpréter. Mais parler de « controverse » est un pur mensonge.

De même présenter l'étude réalisée à Montréal comme une preuve que les programmes d'échange de seringue peuvent augmenter le taux de contamination est une contre-vérité : on a effectivement constaté une progression plus forte de la contamination chez les personnes fréquentant un PES dans une étude , mais énormément de facteurs étaient en jeu, comme le détaillent des articles prenant en compte cette étude : elle intervenait dans une période de pic global des contaminations, et ce qu'a conclu l'étude, c'est que le programme d'échanges de seringues n'était pas suffisant dans ce contexte, sans doute parce que la seule accessibilité au matériel d'injection stérile n'était pas en soi le déterminant exclusif du non-partage des seringues. Pouvaient intervenir par exemple, les pratiques de partage du produit . Dans ce cadre, la contamination par contact avec des seringues, des cupules ou de l'eau de dilution contaminées peut constituer un mode de transmission indirecte du VIH (et du VHC) en dehors de toute notion de partage de seringues.

Interpréter le résultat de cette étude en une phrase déformant ses conclusions complexes et en déduire une remise en cause de l'efficacité des programmes d'échange de seringue est donc une pure manipulation.

Elle repose sur une méthode extrêmement efficace, utilisée d'ailleurs dans tout l'article : mettre les études en anglais et en lien, comme « preuve » de ce qu'on assène , en sachant bien que presque personne n'ira les lire en détail. Au delà, il est toujours très simple -et très malhonnête- de prendre en exemple les failles de telle ou telle politique de santé publique pour en affirmer l'inefficacité et prôner à la place des règles morales séduisantes par leur côté absolu : une politique de santé publique, c'est la confrontation avec le réel , avec tout ce que cela comporte d'imperfections, de ratés, de tâtonnements et de progression dans le temps. Une injonction morale, c'est abstrait et réconfortant. Mais les injonctions morales n'ont jamais stoppé les épidémies.

Notes

(1) Quelques mois plus tard, en septembre 1987, Jean Marie Le Pen fait d'ailleurs sa sortie restée tristement célèbre sur le "détail de l'Histoire" que constitueraient les chambres à gaz,  à l'époque les provocations néo-nazies ne sont pas rares dans son discours....

(2) Pour un exposé clair et détaillé des théories dont il est fait mention dans ce texte, des méthodes utilisées par leurs propagateurs et de leurs objectifs, un article excellent et synthétique, malheureusement en anglais disponible ici

                    _______________________________________________________

Note de la rédaction : cet article est destiné à informer sur la pénétration des thèses d'extrême-droite et réactionnaires sur Wikipedia. Il n'émane ni d'associations de lutte contre le VIH/Sida, ni de scientifiques, ni de professionnels de santé. En conséquence si vous cherchez des informations sur le VIH/SIDA, sur sa prévention , sur les traitements, ou sur la réduction des risques pour les usagers/usagères de drogues, nous vous invitons à consulter les sites de référence sur le sujet ou ceux des associations de lutte et de défense des concernéEs,  par exemple:

http://www.sida-info-service.org/
http://www.aides.org/ 
http://www.actupparis.org/

http://www.reductiondesrisques.fr/
http://www.asud.org/


Notes

(1) Quelques mois plus tard, en septembre 1987, Jean Marie Le Pen fait d'ailleurs sa sortie restée tristement célèbre sur le "détail de l'Histoire" que constitueraient les chambres à gaz,  à l'époque les provocations néo-nazies ne sont déjà pas rares dans son discours....

(2) Pour un exposé clair et détaillé des théories dont il est fait mention dans ce texte, des méthodes utilisées par leurs propagateurs et de leurs objectifs, un article excellent et synthétique, malheureusement en anglais disponible ici 

MISE A JOUR

Ce 4 juin, moins de deux heures après la publication de notre article, l'entrée SIDA a été modifiée, le terme "sidaïque" reste, mais son origine lepéniste est mentionnée

 On verra ce qu'il advient par la suite...Notons cependant que la version incriminée dans notre article est présente depuis plus d'un an , au minimum. Ci-dessous copie d'écran de la version de l'article au 28 mars 2012 ( nous ne sommes pas remontés plus loin pour le moment.)


mercredi 29 mai 2013

Quand la gauche se voile la face, l'extrême-droite s'exhibe ...

Pour les partisan(e)s de gauche de l'interdiction du port du voile dans des lieux et des circonstances de plus en plus nombreux au fur et à mesure des années et des propositions de loi, ce combat n'aurait rien à voir avec du racisme et/ou de l'islamophobie. Bien au contraire, ce serait une démarche qui permettrait de couper l'herbe sous le pied à l'extrême-droite, en ne lui laissant pas « le monopole de la laïcité » et cela permettrait justement de mener sereinement et en parallèle le combat antiraciste.

Pourtant, lorsque des personnalités se revendiquant de la laïcité ont choisi de lancer une initiative pour l'interdiction du voile dans les établissements privés suite à l'affaire Babyloup, l'antiracisme a bien été considéré comme une valeur négligeable et de manière très concrète : lorsqu'il s'est agi de choisir cinquante « premier(e)s signataires, destinées à mettre en valeur la « diversité citoyenne » de l'appel , cela n'a dérangé personne de solliciter Michèle Vianès.

Pourtant cette même Michèle Vianès a assigné la LICRA en justice, il y a déjà quelques temps, et la première audience s'est déroulée mardi 14 mai dernier. Le motif ? Dans un dossier sur l'extrême-droite lyonnaise publié en 2012, la LICRA accusait Mme Viannès, présidente de l'association Regards de Femmes, d'être « xénophobe » et de cacher « derrière un discours anti-musulmans un renouveau du racisme anti-arabe”.  

De deux choses l'une : ou cette accusation n'a aucun fondement, et les initiateurs et signataires de la pétition de Marianne pourront dénoncer à juste titre des amalgames inacceptables entre leur combat laïque et le racisme. Ou cette accusation est vraie, et dans ce cas, en toute connaissance de cause, les « anti-voile » légitiment les attaques contre l'antiracisme venues de l'extrême-droite.

En réalité, en ce qui concerne Michèle Vianès, le débat est assez vite clos.

D'abord parce que madame Vianès est élue municipale de Debout la République à Caluire, petite ville surnommée le « Neuilly Lyonnais », et a également été candidate de ce mouvement aux élections européennesde 2009. Evidemment, on peut débattre du fait de savoir si Nicolas Dupont-Aignant est plutôt « droite extrême » ou « extrême-droite ». Mais disons que la controverse serait un peu oiseuse et même déplacée, surtout lorsqu'il est question de racisme et d'islamophobie : l'invité vedette de Debout la République à la convention nationale qui s'est tenue ce samedi 25 mai était en effet le numéro 2 de l'UKIP . Ce parti d'extrême-droite anglais vient de faire 25% aux municipales et ses membres appellent aux attaques physiques contre les musulmans en ce moment même, entre deux sorties négationnistes.

Michèle Vianès est aussi une activiste très motivée de la société civile : dès la création de Riposte Laïque, elle s'investit à fond dans l'association, et l'on ne compte plus ses articles sur le site des organisateurs du célèbre Apéro Saucisson Pinard. Mme Vianès ne s'est pas cachée non plus de sa participation côte à côte avec le Bloc Identitaire et des membres de l'extrême-droite suisse aux Assises contre l'Islamisation en 2010. On trouve encore sur le site de son association la revendication assumée de cette collaboration avec l'extrême-droite dure, lors de son intervention à un colloque lyonnais le 30 septembre 2011.

Ce sont ces faits qui étaient exposés dans le dossier contre l'extrême-droite lyonnaise de la LICRA, et c'est cet exposé de son activité militante que Mme Vianès ne veut pas voir qualifié de raciste. Si elle gagne son procès, la jurisprudence nous concernera tous, puisque le compagnonnage avec des organisations d'extrême-droite ne pourra plus être dénoncé pour ce qu'il est.

Malheureusement cela ne semble pas inquiéter les autres initiateurs et initiatrices de la pétition Babyloup, qui, pourtant se revendiquent pour beaucoup de l'antiracisme militant, et dont certain(e)s sont même les cibles de Riposte Laïque ou du Bloc Identitaire.

A vrai dire, les seuls à s'être inquiétés publiquement de cette cohabitation entre des amis de l'extrême-droite et des gens de gauche sur cette pétition...ce sont justement les militants d'extrême-droite. Le 28 mars 2013, une rédactrice du site Riposte Laïque publie un appel à signer la pétition de Marianne et « tranquillise » ses camarades : bien sûr la pétition est signée notamment par des « laïques de gauche », qu'il est normal de haïr, mais «  toute loi contre le voile est bonne à prendre » et surtout «Michèle Vianes, présidente de « Regard de Femmes » est en matière de voile du même côté que nous. C’est elle le soutien de la première heure de Natalia Baléato. Et témoignage de son engagement, elle bataille contre la LIcra à laquelle elle a intenté un proçès pour avoir traité son association de mouvement « racistes », « xénophobe », « révisionniste », « cachant derrière un discours antimusulmans un renouveau du racisme anti-arabe ». ».  

Voilà les fascistes rassurés. Les antiracistes le sont moins, évidemment.

La question,en effet, est bien celle de la constitution d'un mouvement « transcourants », « ni droite, ni gauche » autour de certaines thématiques . Ce dont il s'agit c'est bien de la banalisation de l'extrême-droite , de son intégration au sein de la gauche...et en conséquence de l'exclusion de celles et ceux qui refusent cette intégration. Le silence autour du procès intenté par Vianès contre la LICRA n'est pas autre chose que cela.

Il ne s'agit pas d'une « infiltration » bien menée, et en toute discrétion. Comme nous l'avons vu, Michèle Vianès assume son engagement électoral dans un parti d'ultra-droite comme elle assume sa participation à des évènements d'extrême-droite, sur le sujet même à propos duquel une partie de la gauche travaille avec elle : l'islam, donc.

Cette collaboration, malheureusement, ne date pas d'aujourd'hui : en août 2009, une autre pétition, contre le port de la burka et du voile dans l'espacepublic est lancée par trois animateurs/animatrices de Riposte Laïque, Pierre Cassen, Anne Zelensky, et Annie Sugier (1), cette dernière figurant également dans les premiers signataires de la pétition Baby Loup. Cette pétition se veut un appui à la mise en place, un mois plus tôt d'une mission parlementaire d’information sur « la pratique du voile intégral sur le territoire national » initiée par le député communiste André Gérin. Cette pétition sera signée par des secrétaires fédéraux du Parti socialiste, par des syndicalistes CGT et CFDT, par des militantes féministes. Déjà ces signataires ne sont pas dérangés d'être en compagnie d'Ivan Rioufol et d'autres personnalités d'ultra-droite sur un appel lancé par une association, qui à l'époque déjà ne cache pas ses proximités à l'extrême-droite.

A l'heure où la perplexité s'exprime dans les rangs de la gauche à chaque fois que des militant(e)s en vue passent avec armes et bagages au FN où dans d'autres formations d'extrême-droite, où il est de mise de dire à chaque fois qu' « on n'avait rien vu venir », il est peut-être urgent de s'interroger : lorsqu'on construit soi-même les passerelles, est-il étonnant que des gens les empruntent ?

Lorsqu'on considère que certains sujets justifient une alliance avec l'extrême et l'ultra-droite, est-il étonnant qu'ensuite des militant(e)s estiment que c'est l'extrême-droite qui sera la plus à même de combattre sur ces sujets ?

A regarder les discours portés sur les femmes voilé(e)s et le sort à leur réserver, à gauche et à l'extrême-droite, on fait très vite un constat sans appel : la position de l'extrême-droite n'a jamais varié, leur objectif étant l'interdiction du voile partout , comme support de l'exclusion des musulmanes de tous les secteurs de la société. Riposte Laïque se crée ainsi en 2007 sur l'affaire « Truchelut » du nom d'une tenancière de chambres d'hôtes qui avait refusé ses prestations à une femme sous prétexte qu'elle était voilée. Mme Vianès saisit, elle, et depuis longtemps, toutes les occasions pour exclure les musulmanes de la vie publique. Ainsi en 2002, son association déclenche sciemment une polémique concernant la participation d'une femme voilée dans une commission extra-municipale du Grand Lyon. A cette occasion, elle accuse les femmes voilées dans leur ensemble d'être « complice de la domination masculine, et donc des viols collectifs avec actes de barbarie » et ajoute au passage une comparaison  ignoble entre le voile et l'étoile jaune , n'hésitant pas à relativiser l'antisémitisme d'Etat.

Dans la partie de la gauche qui exige sans cesse de nouvelles mesures contre la présence des femmes voilées, le discours ne cesse d'évoluer et de se contredire, au fil des années : au départ, il s'agissait « seulement » de l'école publique , de ses professeurs et de ses élèves. Puis, l'on est passé aux parents d'élèves et à l'extérieur de l'école, puisque ce sont les mères accompagnatrices de sorties scolaires qui ont été visées. Ensuite, la notion de laïcité , pourtant très clairement liée à l'Etat, leur a semblé pouvoir être étendue aux assistantes maternelles , puis aux crèches privées. Et demain ?

Et le glissement ne concerne pas seulement les lieux et les espaces sociaux où le voile devrait être interdit. On est lentement passés d'un discours fondé théoriquement sur la protection des femmes et des jeunes filles, et sur le « potentiel libérateur » de l'interdiction du voile, à une logique qui désigne clairement les femmes voilées comme des dangers pour les autres, et notamment pour les enfants qu'il s'agirait de « protéger ».

De victimes passives de l'intégrisme religieux, toutes les femmes voilées sont devenues dans les discours de gauche, des propagatrices actives de cet intégrisme. Ce ne sont donc pas des militantEs d'ultra-droite comme Michèle Vianès qui ont infiltré la gauche , mais bien une partie de la gauche qui en vient à valider la vision paranoïaque et discriminante des femmes voilées portée par l'extrême-droite depuis très longtemps.

La femme voilée devient ainsi l'ennemi fantasmé qui permet manifestement l'occultation du danger réel , celui de l'extrême-droite, dans l'esprit de militantEs de gauche qui finissent par faire alliance avec des ennemis objectifs de la laïcité : par exemple des compagnonnes de route du Bloc Identitaire, comme Mme Vianès, ce Bloc Identitaire qui aujourd'hui constitue la fraction la plus dure et la plus violente du mouvement opposé au mariage pour tous . Ce mouvement qui entend dicter sa loi, fondée sur la religion, à une cérémonie civile.

Et ce mouvement a bien montré d'où venait la menace réelle contre la laïcité : sans surprise de l'extrême-droite française et de l'Eglise Catholique qui a mobilisé massivement une partie des croyants. A l'inverse, si certains responsables musulmans se sont alliés aux responsables de la Manif pour Tous, notamment ceux de l'UOIF, mais aussi ceux de l'association Fils de France, parrainés par Tarek Oubrou et Robert Ménard, il faut bien constater que leur initiative n'a pas amené un nombre significatif de musulmans à se mobiliser, et ce quelle que soit leur opinion sur le sujet. Celle-ci est restée très majoritairement cantonnée à la sphère privée et à certains lieux de culte.

Il y a donc bien urgence sur le front de la défense de la laïcité : et il y aurait eu ces derniers mois mille sujets de pétition auxquelles des personnalités connues auraient pu apporter leur concours. Au premier chef, la défense de l'école et du secteur public de la petite enfance, qui sont bien menacés, à forces de coupes drastiques dans les budgets, de manque de personnel , et, ce pendant que le secteur privé ne cesse de se développer avec des financements publics. Le voilà, le vrai danger, le risque fondamentaliste éventuel : la destruction de l'école publique, qui amènera à un retour en arrière effectif, la prise d'influence grandissante du secteur de l'enseignement privé à dominante religieuse.

Malheureusement, celles et ceux qui aujourd'hui pensent sincèrement défendre la laïcité en se laissant hypnotiser par le chiffon rouge du voile agité par l'extrême et l'ultra-droite , au point de s'allier avec certainEs de ses représentantes, vont contribuer à l'enterrer. A la grande joie de tous les fondamentalistes religieux, qui avec des ennemis pareils, peuvent même se passer d'amis. 

(1) Depuis Annie Sugier a quitté Riposte Laïque,  non sans avoir en juin 2010 , sur son dernier article visible sur le site, applaudi l'initiative de l'Apéro Saucission Pinard menée avec le Bloc Identitaire.

Sur l'offensive de l'extrême-droite et du patronat, sous couvert de prétendue défense de la laïcité, voir aussi cet article sur la situation à la RATP