mercredi 29 mai 2013

Quand la gauche se voile la face, l'extrême-droite s'exhibe ...

Pour les partisan(e)s de gauche de l'interdiction du port du voile dans des lieux et des circonstances de plus en plus nombreux au fur et à mesure des années et des propositions de loi, ce combat n'aurait rien à voir avec du racisme et/ou de l'islamophobie. Bien au contraire, ce serait une démarche qui permettrait de couper l'herbe sous le pied à l'extrême-droite, en ne lui laissant pas « le monopole de la laïcité » et cela permettrait justement de mener sereinement et en parallèle le combat antiraciste.

Pourtant, lorsque des personnalités se revendiquant de la laïcité ont choisi de lancer une initiative pour l'interdiction du voile dans les établissements privés suite à l'affaire Babyloup, l'antiracisme a bien été considéré comme une valeur négligeable et de manière très concrète : lorsqu'il s'est agi de choisir cinquante « premier(e)s signataires, destinées à mettre en valeur la « diversité citoyenne » de l'appel , cela n'a dérangé personne de solliciter Michèle Vianès.

Pourtant cette même Michèle Vianès a assigné la LICRA en justice, il y a déjà quelques temps, et la première audience s'est déroulée mardi 14 mai dernier. Le motif ? Dans un dossier sur l'extrême-droite lyonnaise publié en 2012, la LICRA accusait Mme Viannès, présidente de l'association Regards de Femmes, d'être « xénophobe » et de cacher « derrière un discours anti-musulmans un renouveau du racisme anti-arabe”.  

De deux choses l'une : ou cette accusation n'a aucun fondement, et les initiateurs et signataires de la pétition de Marianne pourront dénoncer à juste titre des amalgames inacceptables entre leur combat laïque et le racisme. Ou cette accusation est vraie, et dans ce cas, en toute connaissance de cause, les « anti-voile » légitiment les attaques contre l'antiracisme venues de l'extrême-droite.

En réalité, en ce qui concerne Michèle Vianès, le débat est assez vite clos.

D'abord parce que madame Vianès est élue municipale de Debout la République à Caluire, petite ville surnommée le « Neuilly Lyonnais », et a également été candidate de ce mouvement aux élections européennesde 2009. Evidemment, on peut débattre du fait de savoir si Nicolas Dupont-Aignant est plutôt « droite extrême » ou « extrême-droite ». Mais disons que la controverse serait un peu oiseuse et même déplacée, surtout lorsqu'il est question de racisme et d'islamophobie : l'invité vedette de Debout la République à la convention nationale qui s'est tenue ce samedi 25 mai était en effet le numéro 2 de l'UKIP . Ce parti d'extrême-droite anglais vient de faire 25% aux municipales et ses membres appellent aux attaques physiques contre les musulmans en ce moment même, entre deux sorties négationnistes.

Michèle Vianès est aussi une activiste très motivée de la société civile : dès la création de Riposte Laïque, elle s'investit à fond dans l'association, et l'on ne compte plus ses articles sur le site des organisateurs du célèbre Apéro Saucisson Pinard. Mme Vianès ne s'est pas cachée non plus de sa participation côte à côte avec le Bloc Identitaire et des membres de l'extrême-droite suisse aux Assises contre l'Islamisation en 2010. On trouve encore sur le site de son association la revendication assumée de cette collaboration avec l'extrême-droite dure, lors de son intervention à un colloque lyonnais le 30 septembre 2011.

Ce sont ces faits qui étaient exposés dans le dossier contre l'extrême-droite lyonnaise de la LICRA, et c'est cet exposé de son activité militante que Mme Vianès ne veut pas voir qualifié de raciste. Si elle gagne son procès, la jurisprudence nous concernera tous, puisque le compagnonnage avec des organisations d'extrême-droite ne pourra plus être dénoncé pour ce qu'il est.

Malheureusement cela ne semble pas inquiéter les autres initiateurs et initiatrices de la pétition Babyloup, qui, pourtant se revendiquent pour beaucoup de l'antiracisme militant, et dont certain(e)s sont même les cibles de Riposte Laïque ou du Bloc Identitaire.

A vrai dire, les seuls à s'être inquiétés publiquement de cette cohabitation entre des amis de l'extrême-droite et des gens de gauche sur cette pétition...ce sont justement les militants d'extrême-droite. Le 28 mars 2013, une rédactrice du site Riposte Laïque publie un appel à signer la pétition de Marianne et « tranquillise » ses camarades : bien sûr la pétition est signée notamment par des « laïques de gauche », qu'il est normal de haïr, mais «  toute loi contre le voile est bonne à prendre » et surtout «Michèle Vianes, présidente de « Regard de Femmes » est en matière de voile du même côté que nous. C’est elle le soutien de la première heure de Natalia Baléato. Et témoignage de son engagement, elle bataille contre la LIcra à laquelle elle a intenté un proçès pour avoir traité son association de mouvement « racistes », « xénophobe », « révisionniste », « cachant derrière un discours antimusulmans un renouveau du racisme anti-arabe ». ».  

Voilà les fascistes rassurés. Les antiracistes le sont moins, évidemment.

La question,en effet, est bien celle de la constitution d'un mouvement « transcourants », « ni droite, ni gauche » autour de certaines thématiques . Ce dont il s'agit c'est bien de la banalisation de l'extrême-droite , de son intégration au sein de la gauche...et en conséquence de l'exclusion de celles et ceux qui refusent cette intégration. Le silence autour du procès intenté par Vianès contre la LICRA n'est pas autre chose que cela.

Il ne s'agit pas d'une « infiltration » bien menée, et en toute discrétion. Comme nous l'avons vu, Michèle Vianès assume son engagement électoral dans un parti d'ultra-droite comme elle assume sa participation à des évènements d'extrême-droite, sur le sujet même à propos duquel une partie de la gauche travaille avec elle : l'islam, donc.

Cette collaboration, malheureusement, ne date pas d'aujourd'hui : en août 2009, une autre pétition, contre le port de la burka et du voile dans l'espacepublic est lancée par trois animateurs/animatrices de Riposte Laïque, Pierre Cassen, Anne Zelensky, et Annie Sugier (1), cette dernière figurant également dans les premiers signataires de la pétition Baby Loup. Cette pétition se veut un appui à la mise en place, un mois plus tôt d'une mission parlementaire d’information sur « la pratique du voile intégral sur le territoire national » initiée par le député communiste André Gérin. Cette pétition sera signée par des secrétaires fédéraux du Parti socialiste, par des syndicalistes CGT et CFDT, par des militantes féministes. Déjà ces signataires ne sont pas dérangés d'être en compagnie d'Ivan Rioufol et d'autres personnalités d'ultra-droite sur un appel lancé par une association, qui à l'époque déjà ne cache pas ses proximités à l'extrême-droite.

A l'heure où la perplexité s'exprime dans les rangs de la gauche à chaque fois que des militant(e)s en vue passent avec armes et bagages au FN où dans d'autres formations d'extrême-droite, où il est de mise de dire à chaque fois qu' « on n'avait rien vu venir », il est peut-être urgent de s'interroger : lorsqu'on construit soi-même les passerelles, est-il étonnant que des gens les empruntent ?

Lorsqu'on considère que certains sujets justifient une alliance avec l'extrême et l'ultra-droite, est-il étonnant qu'ensuite des militant(e)s estiment que c'est l'extrême-droite qui sera la plus à même de combattre sur ces sujets ?

A regarder les discours portés sur les femmes voilé(e)s et le sort à leur réserver, à gauche et à l'extrême-droite, on fait très vite un constat sans appel : la position de l'extrême-droite n'a jamais varié, leur objectif étant l'interdiction du voile partout , comme support de l'exclusion des musulmanes de tous les secteurs de la société. Riposte Laïque se crée ainsi en 2007 sur l'affaire « Truchelut » du nom d'une tenancière de chambres d'hôtes qui avait refusé ses prestations à une femme sous prétexte qu'elle était voilée. Mme Vianès saisit, elle, et depuis longtemps, toutes les occasions pour exclure les musulmanes de la vie publique. Ainsi en 2002, son association déclenche sciemment une polémique concernant la participation d'une femme voilée dans une commission extra-municipale du Grand Lyon. A cette occasion, elle accuse les femmes voilées dans leur ensemble d'être « complice de la domination masculine, et donc des viols collectifs avec actes de barbarie » et ajoute au passage une comparaison  ignoble entre le voile et l'étoile jaune , n'hésitant pas à relativiser l'antisémitisme d'Etat.

Dans la partie de la gauche qui exige sans cesse de nouvelles mesures contre la présence des femmes voilées, le discours ne cesse d'évoluer et de se contredire, au fil des années : au départ, il s'agissait « seulement » de l'école publique , de ses professeurs et de ses élèves. Puis, l'on est passé aux parents d'élèves et à l'extérieur de l'école, puisque ce sont les mères accompagnatrices de sorties scolaires qui ont été visées. Ensuite, la notion de laïcité , pourtant très clairement liée à l'Etat, leur a semblé pouvoir être étendue aux assistantes maternelles , puis aux crèches privées. Et demain ?

Et le glissement ne concerne pas seulement les lieux et les espaces sociaux où le voile devrait être interdit. On est lentement passés d'un discours fondé théoriquement sur la protection des femmes et des jeunes filles, et sur le « potentiel libérateur » de l'interdiction du voile, à une logique qui désigne clairement les femmes voilées comme des dangers pour les autres, et notamment pour les enfants qu'il s'agirait de « protéger ».

De victimes passives de l'intégrisme religieux, toutes les femmes voilées sont devenues dans les discours de gauche, des propagatrices actives de cet intégrisme. Ce ne sont donc pas des militantEs d'ultra-droite comme Michèle Vianès qui ont infiltré la gauche , mais bien une partie de la gauche qui en vient à valider la vision paranoïaque et discriminante des femmes voilées portée par l'extrême-droite depuis très longtemps.

La femme voilée devient ainsi l'ennemi fantasmé qui permet manifestement l'occultation du danger réel , celui de l'extrême-droite, dans l'esprit de militantEs de gauche qui finissent par faire alliance avec des ennemis objectifs de la laïcité : par exemple des compagnonnes de route du Bloc Identitaire, comme Mme Vianès, ce Bloc Identitaire qui aujourd'hui constitue la fraction la plus dure et la plus violente du mouvement opposé au mariage pour tous . Ce mouvement qui entend dicter sa loi, fondée sur la religion, à une cérémonie civile.

Et ce mouvement a bien montré d'où venait la menace réelle contre la laïcité : sans surprise de l'extrême-droite française et de l'Eglise Catholique qui a mobilisé massivement une partie des croyants. A l'inverse, si certains responsables musulmans se sont alliés aux responsables de la Manif pour Tous, notamment ceux de l'UOIF, mais aussi ceux de l'association Fils de France, parrainés par Tarek Oubrou et Robert Ménard, il faut bien constater que leur initiative n'a pas amené un nombre significatif de musulmans à se mobiliser, et ce quelle que soit leur opinion sur le sujet. Celle-ci est restée très majoritairement cantonnée à la sphère privée et à certains lieux de culte.

Il y a donc bien urgence sur le front de la défense de la laïcité : et il y aurait eu ces derniers mois mille sujets de pétition auxquelles des personnalités connues auraient pu apporter leur concours. Au premier chef, la défense de l'école et du secteur public de la petite enfance, qui sont bien menacés, à forces de coupes drastiques dans les budgets, de manque de personnel , et, ce pendant que le secteur privé ne cesse de se développer avec des financements publics. Le voilà, le vrai danger, le risque fondamentaliste éventuel : la destruction de l'école publique, qui amènera à un retour en arrière effectif, la prise d'influence grandissante du secteur de l'enseignement privé à dominante religieuse.

Malheureusement, celles et ceux qui aujourd'hui pensent sincèrement défendre la laïcité en se laissant hypnotiser par le chiffon rouge du voile agité par l'extrême et l'ultra-droite , au point de s'allier avec certainEs de ses représentantes, vont contribuer à l'enterrer. A la grande joie de tous les fondamentalistes religieux, qui avec des ennemis pareils, peuvent même se passer d'amis. 

(1) Depuis Annie Sugier a quitté Riposte Laïque,  non sans avoir en juin 2010 , sur son dernier article visible sur le site, applaudi l'initiative de l'Apéro Saucission Pinard menée avec le Bloc Identitaire.

Sur l'offensive de l'extrême-droite et du patronat, sous couvert de prétendue défense de la laïcité, voir aussi cet article sur la situation à la RATP  

samedi 25 mai 2013

Paul-Eric Blanrue et "Le Point"... de détail.

A entendre les négationnistes , l'antisémitisme assumé serait une cause de mort sociale immédiate.

Pourtant, l'apologue de Faurisson, celui que le plus célèbre des négationnistes français présente comme son héritier idéologique, Paul Eric Blanrue, ne semble pas souffrir d'une quelconque persécution. Bien au contraire, un journal comme Le Point lui ouvre ses colonnes pour y parler ...d'histoire.

En fait, il s'agit d'une publicité faite au magazine Historia puisque l'article en question publié le 20 décembre 2012 par Le Point est issu d'un dossier spécial de la revue intitulé «  Fins du monde » .

Cela n'a pas été la seule activité de Paul Eric Blanrue en décembre 2012, naturellement : il suffit d'ouvrir son blog pour y trouver un appel à soutien financier des négationnistes allemands emprisonnés ou des nouvelles de Vincent Reynouard, néo-nazi négationniste Mais aussi une critique élogieuse du dernier opus de Maria Poumier, figure de l'extrême-droite antisémite, mais également des tombereaux d'ignominies contre Elie Wiesel ou Serge Klarsfeld, avec des liens directs vers des sites négationnistes américains.

Est-ce cette activité débordante que Le Point considère comme un gage de sérieux et de compétence en matière historique justifiant l'accueil de Blanrue dans le journal ? Ou la rédaction a-t-elle «  juste » considéré que la négation de l'extermination des Juifs par les nazis était un « détail » n'engageant en rien le « reste » du « travail » de Blanrue ?

A première vue, il est vrai que l'article publié dans Le Point n'a rien à voir avec la Seconde Guerre Mondiale. Il évoque une prophétie attribuée à saint Malachie sur les futurs papes, prophétie qui en fait a manifestement été écrite 400 ans plus tard par un moine. Ce qui explique pourquoi les éléments de la prophétie antérieurs à la date de son écriture réelle sont justes alors que ceux qui sont postérieurs sont faux.

Le sujet de l'article en lui-même n'a donc rien que de très banal : en effet, il y a fort longtemps que l'explication de la soit disant prophétie de Saint Malachie a été donnée, et pas par Paul Eric Blanrue. N'importe quel étudiant en histoire des religions aurait pu écrire un article sur le sujet, et Le Point n'avait donc pas besoin d'aller chercher un compagnon de route de Robert Faurisson pour le faire.

Mais enfin, comme disait avec des accents émouvants un personnage du film «  OSS 117 : Le Caire Nid d'Espions, » , «  les nazis n'ont-ils donc pas le droit à une deuxième chance » ?

En fait, contrairement aux apparences, l'article de Blanrue publié dans Le Point a bien tout à voir avec la promotion du négationnisme. Celle-ci est faite par un procédé extrêmement grossier qui ne peut abuser que des gens ayant déjà un niveau de complaisance élevé pour les négationnistes et les militants d'extrême-droite, au point de ne même pas procéder à une vérification des sources de l'article, même quand il n'y a que deux ouvrages cités.

Or le second de ces ouvrages, "Autour de la Tiare" est un opus publié dans une maison d'édition fondée en 1928 par un militant de l'Action Française Fernand Sorlot, qui a le triste privilège d'avoir la première publié la traduction française de Mein Kampf. Par la suite, Fernand Sorlot fut condamné en 1948 à vingt ans d'indignité nationale et à la confiscation de ses biens pour ses activités durant l'Occupation. Ce qui n'empêcha pas la maison d'édition de continuer ses activités en assurant la distribution des œuvres de Maurice Bardèche, le premier négationniste français. Dans les nouveautés publiées par les Nouvelles Editions Latines, on trouve par exemple un ouvrage du Père Michel Lelong, compagnon de route de Garaudy, chroniqueur dans le journal Flash d'Alain Soral, témoin en faveur de Papon à son procès.

Quant à l'ouvrage précis des Nouvelles Editions Latines cité par Blanrue, « Autour de La Tiare »  , écrit dans les années 20  il est l'oeuvre d'un certain Roger Duguet : il s'agit d'un pseudonyme utilisé par l'abbé Paul Boulin catholique antisémite qui écrivit dans « La revue internationale des sociétés Secrètes « , organe destiné à lutter contre la « judéo-maçonnerie » , avant de lancer son propre journal «  Les Cahiers anti judéo-maçonniques ».

Voilà les références conseillées aux amateurs d'histoire par le journal Le Point , grâce à son collaborateur Paul Eric Blanrue.

L'on peut sans trop extrapoler imaginer qu'au réveillon 2012 de Paul Eric Blanrue, celui-ci n'aura pas manqué de faire rire ses invités avec ce « glissage de quenelle » , comme on dit chez les nazis.

Mais Le Point pourra difficilement arguer de « tromperie sur la marchandise » , si d'aventure la direction du journal se trouvait finalement gênée d'avoir fait la promotion d'une maison d'édition pro-nazie et d'avoir remis en avant un auteur antisémite des années 20 oublié dans les poubelles de l'histoire. On ne peut pas se plaindre de se voir servi à table ce qu'on a commandé en menu.

Et lorsqu'on invite un négationniste dans son journal, il est normal que le résultat soit de la propagande néo-nazie.


mercredi 15 mai 2013

Après les manifestations du 12 mai : poursuivre la mobilisation.


Cet article est publié en commun avec nos camarades du blog Memorial 98, que nous vous invitons à consulter et avec qui nous avions lancé l'appel pour le 12 mai

OPERATION POULPE

Après les manifestations du 12 mai : poursuivre la mobilisation.

Ne pas laisser passer: tel était pour nous le sens de l'exigence lancée à la Préfecture de Police et à la Mairie de Paris pour qu'elles prennent les mesures nécessaires afin que néo-nazis, nostalgiques de Vichy et fascistes du 3e millénaire ne défilent pas une nouvelle fois dans le centre de Paris le 12 mai.

Nous ne sommes pas naïfs: en une année de gouvernement de gauche, seules deux manifestations de l'extrême-droite ont été interdites et ce en début de mandat : une à Lyon et une à Paris, toutes deux organisées par la branche jeunesse de l'Oeuvre Française, les Jeunesses Nationalistes

Depuis, c'est le laisser faire quasi-total, alors même que se multiplient les actes de violences contre les membres des « minorités », ainsi que les attaques signées d'une croix gammée, d'une croix celtique, du sigle du GUD ou des Jeunesses Nationalistes contre les lieux de culte, les locaux associatifs ou politiques. Ainsi  lors des manifestations homophobes contre le mariage pour tous, les divers groupes fascistes et intégristes s'en sont donnés à cœur joie dans le style du fantasme de « Février 1934 ».

Cette semaine de mobilisation annuelle des groupes fascistes s’est inscrite dans ce contexte. Outre les manifestations parisiennes du 12 mai autorisées par la préfecture de Police, des actions ont été organisées le jeudi 9 mai, à Lyon, à Rennes et dans d'autres régions par les Jeunesses Nationalistes.

Les forces de police ont bien mis en oeuvre des mesures répressives : pas contre   les fascistes, mais contre celles et ceux qui ont, fort légitimement, tenté de s'opposer aux parades néo-nazies.

Ainsi à Lyon, une contre-manifestation antifasciste le 9 mai a donné lieu à l'arrestation immédiate de 25 militantEs, dont six ont vu leur garde-à-vue prolongée après les premières 24H, tandis que leurs soutiens venus manifester au commissariat voyaient leur identité contrôlée. Pendant ce temps, les Jeunesses Nationalistes manifestaient, sous protection policière.

À Rennes le même jour, c'est la mobilisation des antifascistes et pas celle des pouvoirs publics qui a empêché la tenue du rassemblement des Jeunesses Nationalistes,
À Paris, la Préfecture de Police qui trouve parfaitement normal et conforme à l'ordre public de laisser défiler des milices néo-pétainistes et des jeunes gens vêtus de noir faisant le salut fasciste a infligé une garde-à-vue de 9 heures aux Femen venues déployer une banderole anti-nazie, sous le prétexte de s’être livrées à une « exhibition sexuelle ». On notera au passage le parallélisme de cette qualification policière et les nombreuses insultes sexistes et vulgaires proférées à l’encontre des Femen par les manifestants d'extrême-droite.

L’attitude des autorités face à notre appel apporte un triste démenti à celles et ceux qui objecteraient l'existence d' « autres méthodes  plus respectueuses des règles » pour empêcher l'exhibition publique de la haine raciste, antisémite, sexiste, homophobe. En effet, notre appel a connu une diffusion  importante, à la fois sur les réseaux sociaux, sur les sites de collectifs et d'organisations antiracistes. Le journal l'Humanité a relayé notre appel dans son intégralité. Nous remercions notamment la LDH Toulon, Ras l'Front Rouen, le collectif antifasciste de Bordeaux et tant d’autres qui ont diffusé et publié cet appel . De très nombreux mails ont été envoyés, à la Préfecture de Police, au Ministère de l'Intérieur, au Maire de Paris.

Les différentes autorités ont autorisé les différents défilés et ont de surcroît préféré opposer un silence quasi-total à nos demandes. L'exception concerne le cabinet du Maire de Paris, qui a prétendu avec une certaine hypocrisie n'être aucunement concerné par nos messages, en nous renvoyant vers la Préfecture de Police. Pourtant, en 2008, le Maire de Paris avait lui-même demandé au Préfet l'interdiction de ces mêmes manifestations et l’avait obtenue. Il est vrai qu'à l'époque, il s'agissait d’un gouvernement de droite ; la dénonciation de sa complaisance face à l'extrême-droite offrait des avantages politiques plus immédiats à la veille d'élections municipales.

C'est grâce à la mobilisation de tous ceux qui refusent le silence et la passivité face à l'offensive fasciste que l’atmosphère peut se modifier et entraîner aussi les grandes organisations antiracistes: ainsi SOS Racisme nous a fait savoir qu’elle avait de son côté demandé l'interdiction mais sans juger utile, à notre connaissance,  de communiquer publiquement sur le sujet.

«  Ils n'étaient que quelques centaines, et même moins que l'année dernière » lit-on ici et là en guise de commentaire face aux parades du 12 mai. Mais l'examen attentif de la situation dans l'Hexagone montre, certes que les néo-nazis et fascistes assumés ne sont souvent que « quelques centaines », voire « quelques dizaines » lors de leurs actions. Mais ces actions se démultiplient sur le territoire, et se déroulent chaque semaine.

D'autres encore affirment qu'il s'agit là d'une mouvance, certes dangereuse, mais isolée. La réalité est cependant autre : les Jeunesses Nationalistes sont parfaitement intégrées aux manifestations homophobes, il arrive même, comme à Lyon le 5 mai dernier , qu’en alliance avec le GUD, elles prennent la tête d'une de ces manifestations et en chassent Frigide Barjot.

Partout en Europe, l'ascension de l'extrême-droite « légale », va de pair avec celle des courants qui prônent ouvertement la violence et assument publiquement l'héritage des fascismes du XXe siècle. Partout en Europe, la dédiabolisation de l'extrême-droite légale va de pair avec la tolérance sur les agissements de l'extrême-droite radicale et violente, présentée par les pouvoirs publics, de droite ou hélas de gauche comme un « épiphénomène ».

En France comme ailleurs, d'ailleurs ces deux extrême-droite sont liées organiquement et au quotidien : ainsi ce mercredi 15 mai, l'invité de « 3ème Voie » au local parisien de Serge Ayoub est Robert Ménard, journaliste reçu sur de nombreuses chaînes de télé et de nombreux médias radiophoniques et qui a déjà annoncé sa probable candidature aux municipales à Béziers dans le cadre du Rassemblement Bleu Marine, censé constituer l'aile « modérée » du FN.

Nous continuerons à ne rien laisser passer, à dénoncer inlassablement l’extrême-droite et ses idées de xénophobie et de haine, à montrer au gouvernement de gauche que celles et ceux qui l'ont porté au pouvoir n'acceptent pas les parades fascistes comme un mal nécessaire.

MEMORIAL 98
OPERATION POULPE

Sur Facebook suivez l'actualité quotidienne de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme en vous abonnant au groupe Memorial 98



lundi 6 mai 2013

Peste brune : non à la parade de l'extrême-droite le 12 mai

Pour relayer efficacement cet appel lancé par Opération Poulpe et l'association Memorial 98, infos en fin de texte


Peste brune : non à la parade de l'extrême-droite le 12 mai

Ce 12 mai, une nouvelle fois, l'extrême-droite la plus violente annonce plusieurs manifestations dans Paris.

Plusieurs groupes et organisations, dont certains sont ouvertement néo-nazis, vont en effet « commémorer » à leur manière, la mort d'un de leurs militants, survenue le 9 mai 1994 suite à une manifestation non autorisée et violente, organisée par le GUD ; pour certains d'entre eux il s’agit aussi de rendre leur « hommage » à Jeanne d'Arc.

Le premier cortège partira de la Madeleine à 10h ; il est organisé par le groupe « 3ème Voie » son dirigeant Serge Ayoub alias " Batskin" , a animé nombre d’organisations et de mouvances, dont certains militants ont très rapidement franchi le pas vers la violence active, voire le meurtre. Ainsi le 18 juin 1990 au Havre, le jeune James Dindoyal était empoisonné puis jeté à l'eau, avant de décéder dans d'atroces souffrances. Les responsables étaient deux membres des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires, proches de Serge Ayoub (1).

Aujourd'hui, Serge Ayoub et ses troupes prétendent à la respectabilité : cependant, très récemment, le 23 avril dernier les deux militants armés venus soutenir les agresseurs homophobes du bar de Lille et interpellés par la police, ont fait référence à leur appartenance au groupe 3ème Voie (2).

Cette manifestation est appelée au nom de la lutte contre l’’ impérialisme ». Or, la dernière initiative de ce type (3) a rassemblé autour de 3ème Voie des organisations de défense de la dictature syrienne, organisations dont les militants ont attaqué très violemment, à Paris et ailleurs en France, des manifestations organisée par les démocrates syriens (4).

Cette initiative est d’ailleurs rejointe par d'autres groupes notamment une partie des « nationalistes autonomes », belges et français, dont la dangerosité immédiate n'est plus à prouver. Ainsi, leur section de Nancy s‘est spécialisée dans l‘agression des cibles habituelles de l'extrême-droite, membres des minorités ou des mouvements progressistes (5).

La seconde manifestation est appelée notamment par l'Oeuvre Française, à 10h à la Concorde. On y trouvera aussi les Jeunesses Nationalistes et le GUD. Ces trois organisations sont ouvertement pétainistes et pro-nazies. Leur propagande est faite d'un mélange extrêmement violent d'antisémitisme, de racisme, d'homophobie et de négationnisme. Les Jeunesses Nationalistes comme le GUD sont à l'origine de nombreuses agressions ces deux dernières années : très récemment, le GUD a appelé ouvertement à la violence contre les homosexuels (6), et l'un de ses membres a également été condamné pour l'agression grave d'un jeune musulman dans les Yvelines (7).

Plus globalement c'est autour de ces groupes et de leur propagande en ligne, que gravitent et se forment les individus qui attaquent les locaux des associations LGBT, des forces de gauche, les centres de planning familial, les mosquées. C'est aussi sur leurs sites et leurs pages Facebook que sont diffusées des théories meurtrières contre les Juifs et les Roms et des appels au passage à l’acte contre ces populations.

L'après-midi, une troisième manifestation se tiendra à l'appel de CIVITAS, et nul doute que nombre des manifestants du matin iront ensuite grossir les rangs de l'organisation catholique intégriste.

Ces dernières semaines, galvanisée par l'élan violent des manifestations homophobes, cette extrême-droite n'hésite plus, même dans la capitale, à passer à l'attaque physique contre les manifestations ou les militants : le 1er mai, un cortège en hommage à Brahim Bouarram a été attaqué par une quarantaine de néo-fascistes armés (8).

ll ne s’agit pas de « groupuscules » sans importance ou anecdotiques: ces groupes sont parfaitement intégrés et tolérés, aussi bien dans les manifestations homophobes soutenues par l'UMP que dans les défilés du FN " dédiabolisé" quoi qu'en disent Marine Le Pen ou Frigide Barjot. C'est bien au sein du défilé du FN du 1er mai, au vu et au su de son service de sécurité, qu'ont par exemple été diffusées et collées des affiches comportant l'adresse personnelle de journalistes et d'intellectuels désignés comme les cibles à abattre (9)


Comment comprendre que de tels défilés belliqueux, organisés par des individus et des organisations ayant fait la preuve de leur violence, se voient autorisés ?
Stopper cette agitation haineuse et dangereuse doit constituer une priorité pour un gouvernement se revendiquant du progressisme et affirmant vouloir protéger les minorités mises en cause.

Il n'y a aucun obstacle juridique pour interdire ces manifestations du 12 mai : les précédents violents lors des manifestations d’extrême-droite sont légion, même en prenant uniquement en compte les derniers mois. Le «  trouble à l'ordre public » est donc bien constitué sauf si l’on considère que l'attaque de certaines catégories de la population ne provoque pas un trouble conséquent et important.

La démocratie, c'est la protection du droit de chacun à vivre en paix ; elle ne consiste à pas autoriser les appels à la violence contre une partie de la population, même sous couvert de liberté d'expression.


Ça suffit. Nous refusons de vivre dans la peur des violences qui entourent ces défilés de la haine.


Nous exigeons du Ministre de l'Intérieur, et du Préfet de Police qu'ils mettent un terme à cette agitation haineuse permanente et qu'ils prennent les mesures nécessaires pour rendre l'espace public à tous et à toutes.

Nous demandons également à toutes les organisations progressistes et antiracistes et notamment aux plus importantes d’entre elles de prendre la mesure de la gravité de la situation et de se mobiliser pour que ce 12 mai ne soit pas une nouvelle banalisation des parades fascistes.







Comment relayer cet appel ?
Vous pouvez également l'envoyer aux associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, de défense des droits de l’homme, afin qu'ils prennent des initiatives contre ces parades d'extrême-droite. Et bien sûr, le diffuser dans vos propres réseaux... ou faire votre propre appel.



,



lundi 29 avril 2013

Dieudonné : l'antisémitisme, l'affaire du siècle pour gagner sa place au soleil

Le nouveau «  spectacle » de Dieudonné est un succès : des milliers de personnes se pressent aux « représentations » de Fox Trot, qui toutes, se tiennent dans de grandes salles , souvent les principales des villes où il se déplace. Presque aucun maire ou préfet ne se hasarde plus à l'interdire, et certains écrivent même respectueusement aux collectifs qui l'ont soutenu, comme à Bordeaux.

A en croire les journalistes, qui reprennent la légende élaborée par le politicien fasciste lui-même, ce succès interviendrait après des années de « censure », et serait due uniquement à une mobilisation de bric et de broc de ses fans , notamment sur les réseaux sociaux. Le « paria  ruiné » tiendrait sa revanche grâce à sa détermination et à l'auto-organisation de ses troupes.

Et si au contraire, le succès actuel de Dieudonné, l'explosion de son audience s'inscrivait dans le cadre global de la percée de l'extrême-droite sur tous les fronts, due au soutien d'une partie de la bourgeoisie, et au ralliement au néo-fascisme de forces politiques bien installées se revendiquant autrefois du progressisme ?

Avec l'affaire Cahuzac, d'aucuns ont découvert que les groupes d'extrême-droite comme le GUD étaient également composés d'hommes d'affaire bien installés, et que ces hommes d'affaire bien installés étaient également des proches non seulement de Marine Le Pen, mais aussi de toute cette mouvance qui gravite autour du FN ET de Dieudonné: Philippe Peninque, avocat de Cahuzac, et conseiller de Madame Le Pen est également un des fondateurs de l'association d'Alain Soral, Egalité et Réconciliation.

Dieudonné n'est pas plus mal entouré et a su lui aussi trouver des relais influents dans le domaine qui est le sien, l'antisémitisme érigé en attraction comique.

Ainsi, avoir plein d'amis Facebook, c'est bien sûr très utile pour se faire de la publicité quand on est un artiste : mais avoir une productrice de taille, c'est encore mieux.

Celle de Dieudonné s'est beaucoup répandue dans les médias à propos de son dernier spectacle, médias avec qui elle semble avoir de très bons rapports au regard de l'espace qu'on lui laisse pour s'y exprimer, tant à la radio que dans les journaux à chaque fois que Dieudonné va donner une réprésentation. C'est normal car Chrystel Camus n'est pas une obscure intermittente du spectacle : sa boite de production s'occupe par exemple des spectacles de Philippe Candeloro, et sur son Facebook, on la croise en compagnie de personnages médiatiques pas exactement subversifs, Danielle Evenou ou Jean-Pierre Castaldi par exemple.

S'il n'est pas dans notre propos de faire des amalgames familiaux et si l'on n'est pas obligé de suivre les traces de ses parents ou inversement de partager les convictions de ses enfants, en matière professionnelle, la reproduction sociale est un phénomène sociologique indéniable : or Chrystel Camus est la fille de Jean-Claude Camus, un des plus gros producteurs français, qui géra la carrière de Johnny, de Sardou, et autres stars de la variété française , liste sur Wikipedia.

L'hypothèse selon laquelle sa fille bénéficierait en conséquence d'un réseau de connaissances important aussi bien au niveau des salles de spectacles , des artistes ,que des médias n'est donc pas spécialement tirée par les cheveux. Et ce d'autant plus qu'il y a au moins un exemple récent dans les « nouveaux amis » affichés par Dieudonné, qui semble confirmer l'importance des relations familiales de sa productrice.

Il y a quelques semaines en effet , une photo initialement publiée sur le mur de Dieudonné fait le tour des sites d'extrême-droite : on y voit le politicien antisémite poser avec Yannick Noah au théâtre de la Main d'Or, dans une posture qui laisse entendre à la fois une très grande convivialité et une connivence politique, puisque Noah y a comme Dieudonné l'index levé en l'air , allusion au "fameux" "Au dessus c'est le soleil" du politicien antisémite. Evidemment, ceci peut tout à fait signifier un ralliement politique , pesé et assumé de l'ex-champion de tennis. Il n'en reste pas moins que les deux hommes ont pu en tout cas faire connaissance parce qu'Isabelle Camus , la compagne de Yannick Noah est également la sœur de la productrice de Dieudonné.


Chronique people que tout cela ? Oui, sans doute, mais la chronique people n'est après tout que la traduction d'une réalité de classe, celle du milieu de la production culturelle capitaliste de masse.

Objectivement, Dieudonné le « proscrit » est produit par une entreprise influente et en pointe dans ce secteur de la production, dont la dirigeante a tous les réseaux nécessaires pour faire en sorte que le politicien fasciste ait accès aux mêmes salles et à la même pub que n'importe quel artiste de variété. Objectivement Dieudonné n'est donc pas plus un rebelle ou un self made man que Michel Sardou ou Philippe Candeloro.

Cela ne l'empêchera pas de se présenter comme tel, puisque le retournement victimaire est un argument clef des fascistes : mais les faits sont là, aujourd'hui la haine antisémite et raciste est promue par le circuit capitaliste habituel du milieu artistique, culturel et médiatique.
Et qui veut s'y opposer s'expose à le payer cher : la productrice de Dieudonné brandit en effet sans arrêt la menace d'une nouvelle condamnation , comme celle dont avait écopé la ville de La Rochelle, astreinte à verser 40 000 euros au politicien.

Certes cette nouvelle production est un pas supplémentaire franchi par Dieudonné. Mais il ne faudrait pas y voir la rupture d'une digue antifasciste existant dans le monde des médias et de la culture à son encontre. En réalité, malgré la virulence de ses déclarations antisémites et racistes, malgré son alliance sans ambiguités avec l'extrême-droite la plus radicale, Dieudonné a certes subi quelques revers mais n'a jamais été « boycotté par le système ».

Sans quoi, il n'aurait pas pu faire monter Faurisson sur une des plus prestigieuses scènes parisiennes, le Zénith en 2008. Et si certaines municipalités s'opposent à sa venue dans leur ville après cet épisode qui le classe tout de même chez les amis du néo-nazisme franc et ouvert, beaucoup d'autres laissent ses spectacles se dérouler.

De plus, prétendre que Dieudonné a été boycotté médiatiquement de manière massive et systématique , c'est avoir une bien étrange conception du boycott. Jusqu'en 2009, ses promoteurs habituels de Canal Plus, et notamment les animateurs de Groland relaient volontiers ses « sketches ».

En cette même année 2009, sa liste aux Europénnes bénéficie d'un relais médiatique considérable que des formations politiques plus importantes n'auront pas. En 2010, lorsqu'il sort un bouquin avec Bruno Gaccio, il participe à de nombreuses émissions. En bref, Dieudonné a accès aux médias à chaque fois qu'il a une actualité tout simplement.
Nul doute que sa nouvelle productrice, ajoutée à l'offensive de journalistes comme Taddéi ou Schneiderman qui accusent tous ceux qui ne l'invitent pas d'avoir eux même une mentalité dictatoriale augurent cependant d'une nouvelle ère : celle de la banalisation totale de Dieudonné et de sa promotion active et massive par les médias.

Cette banalisation médiatique se double d'une banalisation politique, et celle-ci est également le fait de personnalités et d'associations ayant pignon sur rue.

La plus significative d'entre elle est la Fondation du Mémorial pour la traite des Noirs. Celle-ci s'est faite remarquer récemment par un fracassant communiqué de soutien à Dieudonné : des associations antiracistes dont la LICRA se mobilisaient pour faire interdire le spectacle du politicien antisémite à Bordeaux, en vain. C'est le moment que choisit la Fondation pour décréter que cette mobilisation est une atteinte insupportable à la liberté d'expression et surtout pour reprendre l'éternel argument du «  deux poids, deux mesures ». Pour Karfa Diallo, président de l'association, la mémoire de l'esclavage n'est pas assez prise en compte , à Bordeaux, des rues portant des noms d'esclavagistes ne sont toujours pas débaptisées.....et ceci justifierait donc qu'on bafoue la mémoire de la Shoah, par souci d'égalité, en quelque sorte. Puisque le racisme existe, banalisons l'antisémitisme, voilà la thèse de la Fondation, un copié collé de celles de Dieudonné, grotesque et ignoble nivellement par le bas.

Par le bas du bas, même, car Dieudonné qui s'affiche avec les racistes du FN ou du GUD, n'a absolument jamais rien fait pour la mémoire de l'esclavage, à part travestir l'Histoire et tenter de dédouaner les véritables responsables de la traite, en inventant de toutes pièces un contrôle de cette traite par les Juifs. Il s'est écoulé dix ans depuis les premières déclarations ouvertement antisémites de Dieudonné et l'affirmation de cette thèse : depuis Dieudonné a fait deux films, plusieurs spectacles, d'innombrables vidéos, il a promu à la Main d'Or nombre de personnages d'extrême-droite ou des milieux sectaires, présenté une liste aux élections. Les moyens ne lui manquent donc pas : pourtant, à aucun moment dans toutes ces années d'intense activité, il n'a fait quoi que ce soit sur la mémoire de l'esclavage, ce sujet qui lui tenait soit-disant tant à cœur.

Alors que signifie le ralliement de La Fondation pour le Mémorial de la Traite des Noirs ? Pour le comprendre, il faut aller s'intéresser à son président Karfa Diallo et à ce qu'a été son activité depuis le début des années 2000.

L'homme en effet n'a pas toujours été aussi critique envers les autorités que dans ce communiqué de soutien à Dieudonné. Au contraire, son action s'est toujours inscrite dans un cadre plutôt institutionnel et c'est ainsi qu'en 2005, il accepte d'entrer dans une instance crée par la Mairie d'Alain Juppé : Le Comité pour la Réflexion sur la Traite des Noirs. Cette instance, clairement , est une réponse à la lutte des associations pour faire reconnaître l'esclavage et ses responsables, mais c'est aussi une tentative de récupération et de de détournement institutionnel, et qui va très vite s'orienter vers une euphémisation du problème , une absence de désignation claire de l'ensemble des responsabiltés, et surtout une forme de retournement victimaire.

Le président choisi pour présider ce « comité d'experts » est en effet Denis Tilinac : en cette année 2005 où le Ministre de l'Intérieur s'appelle Nicolas Sarkozy et impose la répression et le racisme sur tout le territoire, en décrétant notamment l'état d'urgence comme pendant la guerre d'Algérie, Karfa Diallo, défenseur de la minorité noire n'hésite pas à s'associer à un journaliste de la droite dure, qui sera un des premiers supporters de Sarkozy. Un de ces supporters, qui d'ailleurs ne l'on pas attendu pour franchir aisément la ligne idélogique entre droite extrême et extrême-droite. Tilinac, outre qu'il est journaliste à Valeurs Actuelles, est en effet un des pourfendeurs médiatiques les plus connus de la soit-disant «  tyrannie des minorités » et un des propagateurs de la notion de « repentance », visant à discréditer , à empêcher , ou au moins à limiter toute reconnaissance institutionnelle des crimes commis par l'Etat Français et par la France , qu'il s'agisse de l'esclavage , de la colonisation  ou du rôle réel joué par les autorités de Vichy dans le génocide des Juifs.

Karfa Diallo, l'homme qui aujourd'hui fait porter aux associations antiracistes comme la LICRA la responsabilité de l'insuffisante reconnaissance institutionnelle de l'esclavage était donc moins regardant en 2005, quand on lui proposa cette participation à ce comité avec un personnage tel que Tilinac.

Et à lire le mémoire qui en est sorti, cautionné par ce même Karfa Diallo, on se rend vite compte que c'est bien la ligne Tilinac qui a triomphé. La tournure générale se résume bien dans le paragraphe reproduit ci-dessous : mise en accusation immédiate du travail de mémoire, jugé d'entrée susceptible d'être motivé par l'agressivité envers les « Bordelais de souche », limitation nécessaire de son champ d'investigation, et évocation du prétendu danger de la « repentance ».

«  Comment faire en sorte que ce « travail » soit fructueux, et pérennise la mémoire de faits déplorables sans culpabiliser les Bordelais de souche autochtone ou européenne ?
Car, de toute évidence, si la revendication mémorielle prenait un tour agressif, elle provoquerait immanquablement des crispations identitaires et de la xénophobie. Surtout en une période où le peuple français est très divisé sur l’opportunité des diverses « repentances » que le système médiatique semble lui imposer. Toute initiative mémorielle qui s’affranchirait de cette visée, ou qui la dévoierait en récrimination sectaire, se condamnerait à l’insignifiance. Pire : elle alimenterait les ressorts de la suspicion et de l’agressivité. »

A la finale évidemment, le rapport ne propose pas grand-chose : normal, dès son introduction, la traite des Noirs par les Européens est banalisée, par un rappel de l' "éternité de l'esclavage", pratiqué par quasiment toutes les civilisations, encore existant aujourd'hui...D'entrée, donc, la spécificité de la traite des Noirs est évacuée, circonscrite à une banalité de l'histoire de l'humanité.

Dans la suite du rapport, si les rares voix protestataires au sein de l'Eglise sont mises en avant, par contre la légitimation idéologique apportée par la hiérarchie catholique et ses intérêts concrets dans la traite sont totalement évacués. Sur ce point aussi, Karfa Diallo a tout pour s'entendre avec Dieudonné, l'homme qui a fait baptiser sa fille par un prêtre intégriste, raciste et anti-immigration.

Voilà ce que cautionnait Karfa Diallo en 2005 : à la page 23 du rapport, on voit aussi écartée la proposition de signaler par un visuel , les noms de rues baptisées avec celui d'un responsable de la traite.....Ainsi donc en 2013, Karfa Diallo reproche à toute la terre l'abandon de la revendication concernant le changement de nom des rues concernées, et surtout en tire la raison de son soutien à Dieudonné,...alors que lui-même cautionnait une instance qui préconisait l'abandon de cette revendication en 2005.

En 2008, le même Karfa Diallo en rajoute une louche dans le compliment aux autorités municipales de Bordeaux, dans un entretien au journal Sud Ouest, où il annonce l'arrêt de son combat collectif contre l'esclavage : «  Aujourd'hui, je pense que la ville de Bordeaux a fait le maximum de ce qu'elle peut accepter de faire pour la mémoire », " On a sans doute manqué de sagesse… Par exemple, je crois que la campagne pour débaptiser les « rues de négrier », cela ne pouvait pas passer à Bordeaux ". Une auto-critique qui résonne bien étrangement cinq ans plus tard, quand le même Karfa Diallo rend responsable des associations antiracistes de son propre renoncement à une revendication ancienne.

Il y a donc finalement une parenté dans la reconstruction de l'histoire faite par Diallo avec la rhétorique de Dieudonné : leurs propres renoncements à certains combats sont rejetés sur d'autres, dans une logique conspirationniste fondée sur une prétendue concurrence des mémoires qui aboutit très logiquement à l'antisémitisme.

Sans doute ces deux là étaient-ils faits pour se rencontrer.

Il n'en reste pas moins que c'est une bonne prise pour la mouvance de Dieudonné : Karfa Diallo est aujourd'hui animateur d'un grand média web sénégalais «  Seneweb », où il donne notamment la parole à Tidiaye Ndiaye, un économiste de formation dont le combat essentiel aujourd'hui est de prétendre que la traite occidentale a été « surestimée » volontairement comparativement à la traite arabo-musulmane, une thèse défendue aussi par une bonne partie de l'extrême-droite française.

Au delà, les « compromis » de Diallo avec les autorités municipales de Bordeaux et plus largement en ont fait une voix médiatique prétendument « représentative » de la « communauté noire »...un peu comme Tarek Oubrou, l'imam de Bordeaux est aujourd'hui considéré comme la voix respectable des musulmans de France. Et Tarek Oubrou faisait aussi partie du "comité Tilinac" avec Karfa Diallo , et s'est lié avec Alain Soral dès 2009, avant de fonder l'association Fils de France , à la fois proche d'Egalité et Réconciliation et appréciée de Robert Mesnard, qui collabore aujourd'hui à Boulevard Voltaire avec Tilinac.

Nouveaux amis, nouvelle production, et des pas de géant accomplis par Dieudonné...qui pourra cependant difficilement continuer à prétendre représenter un quelconque antagonisme avec le système médiatique capitaliste, comme avec le milieu politico-associatif reconnu par les institutions. Bien au contraire, son antisémitisme forcené est devenu une marchandise de choix, qui rapporte gros financièrement parlant, et apparaît aussi comme un levier politique à des personnalités en quête perpétuelle de notoriété et de reconnaissance institutionnelle, tel Karfa Diallo se félicitant d'avoir été reçu par le préfet , non pas dans le cadre d'une quelconque activité antiraciste utile à ceux qu'il prétend représenter, mais pour avoir soutenu un homme d'extrême-droite.

jeudi 4 avril 2013

Faurisson sur Mediapart et RFI: la loi Gayssot a-t-elle vraiment existé ?


Avec l'affaire Cahuzac, Mediapart va une nouvelle fois accroître son audience.

Cela profitera-t-il aux négationnisme et à ses propagandistes ?

La question est posée après un épisode qui a fait la joie des néo-nazis français ces derniers jours ( voir les commentaires sur leur principal forum , par exemple ).
Mediapart, comme la majorité des médias en ligne offre la possibilité d'ouvrir son propre blog sur le site, et de profiter à la fois de l'étiquette Mediapart et du référencement qui va avec. Le service est inclus dans l'abonnement payant au site.

Parmi les « usagers » , un certain Serge Ulesky, propagandiste fasciste d'une banalité absolue, rentabilise à plein ses 9 euros mensuels d'abonnement : 375 billets à ce jour, dont le contenu est en gros , la reprise de l'actualité des sites d'extrême-droite. « Comprendre  le monde » avec Soral, Dieudonné, Collon, Nabe, Marion Sigaud, Kemi Seba, apprendre que le SIDA n'existe pas avec Etienne de Harven, voilà l'ordre du jour du blog d'Ulesky.

Grâce à l'accueil offert par Médiapart, des lecteurs de ce journal, à mille lieux de la galaxie fasciste peuvent ainsi entrer en contact avec la propagande d'extrême-droite, l'avantage étant que le sigle Médiapart ne permet pas de connaître immédiatement la couleur politique de ce qu'on lit.

Ce n'est pas spécifique à Mediapart, tous les grands médias en ligne acceptent l'extrême-droite sur leurs blogs.

Mais quelques barrières n'avaient pas encore sauté : si les fascistes de la nouvelle génération sont accueillis sans souci sur le Club de Mediapart, si les discours racistes et antisémites y sont les bienvenus, les pionniers historiques , notamment du négationnisme n'y apparaissaient pas jusqu'ici.

Le 29 mars , Uleski décide que le moment est venu de faire sauter ce dernier cordon sanitaire et publie un article à la gloire de Robert Faurisson , accompagné d'une vidéo du négationniste le plus célèbre de France. Quelques heures plus tard , l'article disparaît de son blog.

Les protestations avaient été nombreuses à la fois de la part d'abonnés de Mediapart, mais aussi sur les réseaux sociaux. Chacun pouvait donc penser que l'équipe de modération de Mediapart avait retiré l'article. Il n'y aurait eu aucune raison d'en conclure que Mediapart avait décidé de ne pas accepter la propagande d'extrême-droite la plus décomplexée qui soit, dans la mesure où aucune sanction n'était prise contre Ulesky lui même, qui assumait officiellement d'être un militant négationniste, et qui outre Faurisson, relaie sans arrêt les fascistes.

Mais la réalité est bien plus sordide : Ulesky a immédiatement crié à la censure dans un second article , mais a aussitôt été démenti par deux membres de l'équipe de Mediapart, dont les propos sont reproduits en capture d'écran ci-dessous. Selon eux, c'est Ulesky qui a retiré lui-même son article, qui serait donc encore là sinon. Sous prétexte de ne pas répondre aux « provocations », Mediapart assume donc de laisser publier du Faurisson sur son site. Nul doute que la somme modique de 9 euros par mois sera acquittée sans problème par les néo-nazis dans l'avenir, ce n'est pas cher payé pour pouvoir diffuser gratuitement la haine et le mensonge.




Ulesky d'ailleurs ne se contente pas de remercier Mediapart de cette tolérance ( capture d'écran ci-dessous), il publie dès le 30 mars un nouvel article avec des liens directs vers le blog de Faurisson, ET une autre vidéo où le négationniste s'exprime: en l'occurence, il s'agit du documentaire Mains Basses sur la Mémoire, produit par les dieudonnistes de CLAP 36, et promotionné par Le Figaro , dont nous avions parlé ici.



Mais  un autre très grand média, RFI a ouvert gratuitement son espace à Robert Faurisson, par l'intermédiaire d'Ulesky. Depuis le 29 mars, on trouve en effet sur sa plateforme participative, l'Atelier des Médias, l'article initialement publié sur Mediapart, avec la vidéo de Faurisson.

Depuis presque une semaine, une radio publique française diffuse donc du Robert Faurisson.




Il paraît qu'un président français a récemment déclaré que l'impunité était terminée pour les diffuseurs de propagande antisémite sur Internet. Sa déclaration a été abondamment reprise par les sites fascistes et négationnistes , qui hurlent à la persécution et à la chasse aux sorcières.

Face à cette vidéo de Faurisson sur un site de l'Etat Français, on en vient à se demander si François Hollande a vraiment existé , et si en tout cas la vidéo où il tient ses propos sur la répression de l'antisémitisme n'est pas un montage réalisé par l'extrême-droite.

Si vous pensez que diffuser de la propagande néo-nazie n'est pas une programmation normale pour une radio de service public, vous pouvez le dire à RFI

Page contact de l'Atelier des Médias RFI :

Page Facebook de l'Atelier des Médias RFI

Si pour vous, "Elever le pays en élevant son langage" ( citation de Camus en tête de l'appel de création de Mediapart) ne signifie pas donner la parole à la rhétorique assassine des fascistes et négationnistes , vous pouvez le leur faire savoir :

Page de contact Mediapart